Transcription Pascal Bureau
À travers mon cours d'histoire du Québec et du Canada, j'ai élaboré un projet dans lequel les élèves doivent produire un jeu de société. C'est un projet que j'ai inscrit à travers le thème et l'étude de la période de la Nouvelle-France.
Pendant quelques années, lorsque j'enseignais cette période, je trouvais que les élèves finissaient cette période sans avoir un apprentissage qui était significatif. Je trouvais qu'on passait rapidement à une autre période et je me suis donné le défi de m'arrêter à cette période et de pouvoir… que les élèves finissent cette période avec un apprentissage qui était plus significatif que l'apprentissage, par exemple, de noms de lieux ou de noms de rues que l'on a à Montréal et que c'était le seul legs qu'ils avaient eu de la Nouvelle-France.
J'ai eu l'idée de prendre les thèmes généraux de la Nouvelle-France, comme le commerce des fourrures, les explorations, le système seigneurial, et de lancer aux élèves le défi de prendre ces thèmes, mais de les voir sous un autre angle et de les amener à travers un jeu de société. Les élèves, dans ce projet, doivent tout d'abord — un — rechercher sur leur thème parce que les grandes lignes que l'on a étudiées en classe sont souvent insuffisantes pour bien comprendre l'enjeu et même comprendre toutes les particularités du système seigneurial, par exemple.
Par la suite, lorsque les élèves ont recherché et ont appris et connaissent beaucoup mieux leur sujet, ils peuvent maintenant commencer à concevoir le jeu, que ce soit les règles, l'aspect physique du jeu qu'ils vont devoir aussi penser, donc on pense à tout l'art numérique. Par la suite, ils vont devoir le produire, donc l’amener à l’étape de production, que ce soit avec l'utilisation de technologies, d'imprimantes 3D, de bricolage des fois parce que c'est un projet entrepreneurial, mais c'est souvent de l'artisanat que l'on fait.
Et à la fin, je veux que les élèves amènent pas jusqu'au marché le jeu, mais au moins jusqu'à l'étape de l'essai. Donc, ils vont souvent aller présenter ce jeu, par exemple, dans des boutiques de jeux spécialisés dans les jeux de société. Il y a souvent des présentations qui peuvent être faites pour le public, alors les gens sont amenés à essayer le jeu qu'ils ont conçu et les élèves peuvent partager comme ça leurs connaissances.
Ou tout simplement, ici même à l'école, on a un projet à Selwyne House, j'aime dire que c'est une petite grande école parce qu'on va de la maternelle jusqu'à la 12e année. Les élèves de secondaire peuvent amener leur jeu, par exemple, aux élèves primaires et ils vont passer une après-midi ou une fin de journée d'école à jouer à ce jeu et leur présenter ce qu'ils ont appris, comment et pourquoi ce jeu sur les grandes explorations, qu'est-ce qui peut être appris.
Donc, je trouve que c'est vraiment intéressant de ce point de vue là parce qu'ils n'ont pas le choix de se renseigner sur leur sujet. Ils vont devoir, par exemple, sur les grands thèmes, aller pousser leur recherche historique. Il y a eu plusieurs impacts dans la mesure où est-ce que lorsqu'on sort comme ça de la classe, les élèves sont souvent amenés à se dépasser, à œuvrer dans un autre contexte qu'ils ne sont pas forcément à l'aise de faire.
Un des impacts les plus significatifs, et c'est souvent un commentaire qui revient lorsque je revois mes élèves les années d'après, c'est souvent un commentaire que les élèves vont dire, c'est qu'ils n'aimaient pas l'histoire jusqu'à tant qu'ils fassent ce projet. Pour moi, ça, c'est toujours un élément positif. Par la suite, ce que je trouve intéressant, c'est aussi l'apprentissage qui en découle. On peut aller parler à des élèves dans les corridors. Si vous leur parlez des grandes explorations, vous leur parlez des La Vérendrye, des Cavelier de La Salle, ils vont pouvoir vous dire c'est qui, qu'est-ce qu'ils ont fait, qu'est-ce qu'ils ont découvert.
Si vous croisez des jeunes qui ont conçu un jeu sur le système seigneurial, ils vont pouvoir vous dire qu'est-ce qu'un censitaire mangeait, qu'est-ce qu'il faisait, comment gros était sa ferme, comment grosse était sa ferme. Donc, c'est vraiment des apprentissages qui, selon moi, sont significatifs, qui sortent du contexte plutôt formel d'un examen, d'un test ou d'un quiz.
Et je trouve que c'est aussi des apprentissages qui vont rester. Aussi, dans notre milieu, parce qu'on amène un jeu de société, les élèves vont partager leurs connaissances, mais aussi, ils vont créer des liens, des fois avec des élèves qu'ils ne connaissaient pas. Lorsqu'ils jouent avec les élèves du primaire, ils vont essayer leur jeu. Par la suite, ils vont penser à d'autres enseignants qui, ah bien, ça a l'air intéressant.
On a un jeu de société qui est là sur la table et les gens s'arrêtent et on discute et ça crée juste un moment de partage à travers l'histoire de la Nouvelle-France. En tant qu'enseignant, je voulais toujours que mes élèves apprennent, réussissent. Mais aujourd'hui, l'apprentissage et la réussite, ce n'est qu'une autre étape dans la création du jeu de société.
L'apprentissage va se faire, la réussite se fait à travers la conception du jeu. Donc, pour moi, lorsque les élèves sont mis à travers un projet qui demande un engagement, qui demande d'entrer en action, les apprentissages se font naturellement, par nécessité même. Et je n'ai pas à douter ou même à stresser si les élèves vont apprendre. Ils vont apprendre, ils n'auront pas le choix. Et lorsqu’ils conçoivent leur jeu, on sort de la réponse dans un examen, on sort de la réponse dans un quiz.
Et pour moi, donc, en dehors de la note globale, ce qui en ressort, c'est surtout donc un engagement, c'est un dépassement de soi. Et pour moi, ça, ça vaut plus qu'une bonne note à un examen. Les jeunes devraient s'intéresser à l'histoire parce que l'histoire, ce n'est pas quelque chose du passé.
On peut apprendre l'histoire du passé pour mieux comprendre le présent. Et ces élèves vont devoir maintenant commencer à concevoir l'histoire du futur. Et c'est donc avec cet outil, au final, qui est l'histoire, que ça devient un véhicule d’apprentissage.
Publicité