Transcription Voix autochtones d'aujourd'hui
La nouvelle exposition du Musée McCord Stewart Voix autochtones d'aujourd'hui : savoir, trauma, résilience est en fait pour remplacer l'exposition permanente précédente qui s'intitulait Porter son identité.
On a voulu pousser davantage le processus de co-création et de collaboration avec les peuples autochtones, et en même temps, c'était une façon de répondre au rapport de la Commission de vérité et réconciliation en proposant un produit qui va favoriser la réconciliation, mais aussi la rencontre entre Autochtones et non-Autochtones.
Ce qui rend cette nouvelle exposition unique et particulière, selon moi, ce sont des aspects qui sont plutôt invisibles aux visiteurs c'est-à-dire la démarche et la méthodologie qu'on n’a prises pour y arriver. Tous les objets, par exemple, ont été sélectionnés par un Innu de Uashat du nom de Jean St-Onge qui est venu dans nos réserves et s'est laissé littéralement inspirer par ce que les objets avaient à lui dire.
Aussi, le fait que tout le contenu a été développé, réfléchi, créé par une commissaire autochtone huronne-wendat — son nom c'est Elisabeth Keane. Donc elle a parcouru le territoire.
Elle a rencontré des centaines de gens des différentes communautés au Québec et elle a amassé leurs témoignages, leurs perspectives, et elle leur a demandé : Qu'est-ce que vous voulez que les visiteurs entendent ? Qu'est-ce que vous voulez que les visiteurs sachent à propos de vos réalités ?
Alors ce sont réellement les voix autochtones d'aujourd'hui que l'on perçoit, que l'on entend, que l'on peut lire dans l'exposition. D'ailleurs, tous les textes sont rédigés au « nous », c'est-à-dire que ce sont vraiment les autochtones qui s'expriment sur leur réalité autant du passé, d'aujourd'hui, que leurs aspirations vers le futur. Un des principaux défis qu'on a rencontrés était d'ordre méthodologique.
C'est-à-dire que pour une institution comme le Musée McCord Stewart, d'accepter de faire les choses différemment, selon d'autres méthodologies, ça peut être un petit peu anxiogène. Donc ça exige un lâcher-prise, ça exige de céder du pouvoir et de s'adapter à nos partenaires autochtones. Alors je pense qu’au final ça s'est très bien passé.
Il y a eu de la négociation et quelques discussions, mais au final, je pense que la gestion a bien accepté de faire plus de place un petit peu à des méthodologies autochtones pour que finalement les voix d'autochtones soient entendues dans l'exposition. Un autre défi qu'on a rencontré, c'était la disponibilité des objets d'aujourd'hui pour témoigner d'enjeux contemporains.
Notre collection est très bien pourvue en termes d'objets historiques. Elle est très vaste, elle est très riche, mais pour témoigner de réalités d'aujourd'hui, on a dû faire des emprunts auprès d'individus autochtones. Donc, ils nous ont prêté leurs objets pour illustrer les réalités d'aujourd'hui qui sont présentées dans l'exposition. L'exposition est très bien reçue par le public.
On a de très bons commentaires. Les gens nous disent qu’elle est magnifique notamment par la scénographie. On était conscients que certaines parties présentent un contenu très difficile, mais on était confiants aussi que la population est désormais prête à entendre ces histoires-là. Je pense que la population veut connaître, veut savoir, et veut savoir la vérité. D'un point de vue des visiteurs autochtones, les gens sont contents de se voir représenter dans l'exposition.
La première partie, qui porte beaucoup plus sur les savoirs et les philosophies traditionnels, apporte de la fierté aux gens des communautés autochtones. Ils se reconnaissent dans cette histoire-là et ça les rend fiers parce qu'ils se rendent compte que leurs traditions ont une légitimité, une ancienneté et une valeur toujours aujourd'hui.
La section qui porte sur les traumas est beaucoup plus difficile et certains membres des Premières Nations vont décider de passer un petit peu plus vite parce que ce sont des sujets dont ils entendent parler à chaque semaine : les pensionnats, les femmes autochtones disparues, la dépossession en général.
Alors parfois ils vont décider de passer plus vite, mais en revanche certains visiteurs autochtones vont être très touchés par la section qui porte sur les traumas puisqu'ils vont comprendre finalement d'où ils viennent. Ils vont se reconnaître dans cette histoire-là. Ils vont reconnaître finalement les blessures intergénérationnelles qu'ils portent aujourd'hui. Cette exposition veut favoriser la rencontre.
On prétend que si on se connaît mieux, on va mieux interagir, et le futur, ensemble, sera plus profitable pour chacune des parties. Une façon de mieux se connaître, c'est aller à la rencontre de l'autre. C'est d'entendre qu'est-ce qu'il a à dire ; expliquer ses réalités, expliquer ses blessures, mais aussi expliquer ses aspirations pour un meilleur futur. Recevoir le Prix d'histoire du Gouverneur général du Canada, c'est énorme.
Cette reconnaissance-là confirme que les efforts que l'on met pour travailler en collaboration valent le coup. Ça nous confirme aussi que de laisser de la place aux voix et perspectives autochtones, c'est profitable, c'est apprécié et c'est reconnu par nos pairs.
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