Transcription Dans les entrailles du premier parle
Le parlement du Canada, rien de moins, il était à Montréal, situé au centre-ville, qui est le Vieux-Montréal maintenant — 1844–1849.
Alors c’est un bâtiment immense, monumental, qui a accueilli les parlementaires pendant plusieurs années. L’importance historique de ce lieu, c’est là qu’a été votée, en 1848, la fameuse loi sur la responsabilité ministérielle, qu’on appelle aujourd’hui le gouvernement responsable. Ce gouvernement, évidemment, était dominé par des Britanniques, essentiellement des marchands anglais (anglophones), et qui étaient avant tout conservateurs.
Alors, depuis 1791, on avait un gouvernement extrêmement autoritaire et en 1848, tout à coup, tout éclate. La chambre d’assemblée qui est élue — ce sont des réformistes — une alliance entre Lafontaine et Baldwin donc le Haut et le Bas-Canada et qui sont majoritairement élus. Ils décident de changer, changer la donne. C’est un grand pas vers la démocratie.
Et là, on a voté par exemple des lois où pour la première fois on pouvait parler en français à la chambre, on a rapatrié les budgets, il y a eu un développement économique, on a créé le ministère de l’Éducation. Enfin, beaucoup de lois en peu de temps.
Une des lois qui a fait monter la tension, c’est la loi de rétribuer les victimes des rebellions et à ce moment-là, l’opposition s’est offusquée et quand le gouverneur, le 25 avril 1849, est venu à approuver la loi, il y a eu une manifestation monstre, à Montréal, sur la Place d’armes — il y avait 1 500 personnes — et cela a dégénéré.
On s’en va au parlement, rendu au parlement on casse les vitres, on saccage, on s’attaque aux députés, aux conseillers qui sont en train de siéger. Il y a une lampe qui est au gaz qui éclate et puis le feu prend, donc on incendie le parlement.
Mais il y a eu un mouvement très fort, autant dans le Haut-Canada que dans le Bas-Canada, dans la population en général, qui avec l’aide des médias, des hommes politiques et aussi du Clergé, ont décidé de signer beaucoup de pétitions — des assemblées — pour renouveler leurs appuis au Gouverneur, l’appui au Gouvernement, ils ont décidé de conserver le lien avec la Grande-Bretagne. Dans le fond, ils ont protégé cette démocratie qui était toute fragile, qui venait de naître, en assumant leurs liens avec la Grande-Bretagne.
Alors on a fait des fouilles depuis quelques années, des sondages au début, donc 2010, 2011, 2013 et on a confirmé que c’est un site monumental.
Imaginez, c’est un édifice qui est le plus chic et le plus beau au Canda à l’époque, qui a quand même plus de cent mètres de long par 20 mètres de large. Le but, quand on a commencé à faire des recherches, on s’est posé la question : Est-ce qu’après l’incendie tout a été nettoyé ? Parce qu’on a reconstruit un marché… ou est-ce que tout était là ?
Ce fut le Klondike pour les archéologues évidemment. Tout était là !
On a la couche d’incendie et tous les objets qui ont péri dans ce cataclysme. Je dirais qu’on les retrouve soit intacts comme des paires de lunettes, soit calcinés, comme des ensembles qui sont brulés, mais ne sont pas brisés. ou encore ils sont complets.
Jusqu’à maintenant on a déjà recueilli plus d’un demi-million de pièces qui représentent toute la vie que l’on pouvait retrouver dans cet édifice. Alors, il y avait la première époque du bâtiment qui était un grand marché donc on retrouve des objets en relation avec la fonction de marché, mais la vie parlementaire…
Imaginez un peu ce qu’on peut retrouver beaucoup d’éléments reliés à l’écriture, les écrivains, la recherche… Il y avait dans ce lieu quelque chose d’absolument extraordinaire : c’était les deux bibliothèques — les deux bibliothèques et tous les documents anciens — il y avait 23 000 volumes et des œuvres vraiment remarquables et des cadeaux faits par d’autres pays.
On ne croyait jamais que l’on retrouverait des traces de livres ou des papiers, quand on sait que cela se consume rapidement, mais jusqu’à maintenant on en a retrouvé 34 et l’on capable d’identifier, on peut lire des pages… 1830… dans des livres de l’époque qu’on peut encore retrouver sur le marché aujourd’hui. On est en train de les faire restaurer par le Centre canadien.
On a retrouvé aussi la vaisselle des parlementaires, des Pères de la confédération qui étaient là.
Tous les objets d’hygiène personnelle — parce que vous savez, les élus travaillaient le jour et le soir, ils pouvaient même passer les nuits. Donc, ils avaient évidemment plein d’objets personnels.
On retrouve aussi tout ce qui est relié : vous savez ils fumaient, ils avaient beaucoup de bouteilles, ils devaient célébrer à l’occasion. Enfin, c’est infini la diversité des objets que l’on peut retrouver.
L’égout collecteur est le premier égout collecteur que l’on ait retracé en Amérique du Nord. Il a été construit en 1832, en même temps que l’édifice du parlement. Donc, c’est pour cela qu’il passe exactement dans son centre. Il faut dire qu’à l’époque l’édifice du parlement était le grand marché.
Quoi de plus pratique que d’avoir un accès immédiat à jeter des déchets ? En 1830, il y avait beaucoup d’épidémies, il y avait des miasmes, les gens étaient malades parce l’eau été polluée. La petite rivière Saint-Pierre, qui passait ici, qui ramassait toutes les eaux de Montréal qui se jetaient dans le fleuve, ramassait évidemment les déchets aussi et souvent contaminait les puits.
Donc, on a réalisé au niveau des services de santé qu’il fallait absolument canaliser la rivière. Ce n’est pas un phénomène uniquement à Montréal, on le retrouve un peu partout à la même époque.
Donc, on canalise la première rivière et Montréal étant la métropole, la capitale, moi je dis toujours : « on était plus riche à l’époque » et on a décidé de construire un égout comme nul par ailleurs.
Il est construit en pierres taillées. Vous savez ce sont des pierres qui ont plus d’un mètre de long et avec les pieds droits, mais avec un arc cintré ce qui est en somme une œuvre d’ingénierie exceptionnelle, mais avant tout je dirais une œuvre d’art.
Cet égout, il a été utilisé jusqu’en 1989. Il est devenu vacant. Il fait partie déjà du Musée Pointe-à-Callière, à Montréal.
Nous avions un rêve, moi j’avais un rêve, depuis le début et c’est de rendre accessible cette œuvre majestueuse à la population. Le plus beau prétexte que nous avons eu récemment, c’est de pouvoir mettre en valeur le Fort de Ville-Marie, qui est le lieu de fondation de Montréal, le premier établissement, et pour s’y rendre, il fallait simplement passer à travers l’égout.
Donc, on a ouvert un premier tronçon rendu accessible et l’on a évidemment essayer de façon patrimoniale de le respecter dans sa construction, dans son origine, dans son entité, dans son intégrité, de façon à ne pas, même si l’on a mis un son et lumière à l’intérieur, de ne pas toucher du tout la voûte avec les équipements ou les autres contraintes techniques de façon à le conserver tel quel.
C’est une œuvre patrimoniale, oui. Je vous mets au défi de trouver un aussi spectaculaire en Amérique d’une part, mais à Paris et à Londres, à la même époque, on les construisait en briques.
Nous, on pouvait se permettre qu’ils soient en pierres taillées et ils sont, après avoir passé tous les tests de solidité, ils sont encore plus solides que toutes les exigences d’aujourd’hui de camions de pompier et autres.
À visiter!
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