Interroger le passé
Les controverses sur les statues et commémorations ont récemment enflammé les débats publics au Canada.
Cependant, pour encadrer cette argumentation polarisante, il faudrait élaborer une série de questions qui aideraient les Canadiens à entreprendre cette conversation de façon sereine et réfléchie.
Les six concepts de la pensée historique décrits par Peter Seixas de l’Université de la Colombie-Britannique (voir PenséeHistorique) établissent un cadre favorisant une réflexion utile sur les problèmes historiques.
La pensée historique est le fondement du programme de sciences sociales au Canada et est employée dans les musées, les sociétés d’histoire et auprès du grand public pour approfondir notre compréhension du passé. Je propose une série de questions qui invitent les étudiants, les enseignants et le public à amorcer une réflexion historique afin de déterminer si les commémorations d’un événement, d’un personnage ou d’un groupe doivent être maintenues telles quelles, révisées ou supprimées.
Les faits visent à évaluer le contexte et le contenu des sources primaires et secondaires. Les commémorations ont leur propre histoire et doivent être interprétées et analysées.
- Quand et où la commémoration a-t-elle vu le jour? Qui l’a créée et pourquoi?
- Que se passait-il sur le plan social à l’époque où cette commémoration a été créée?
- Sur quelles affirmations ou revendications repose le sujet de cette commémoration?
- Est-ce que d’autres sources appuient ou réfutent l’interprétation qui est faite du sujet commémoré?
La pertinence historique vise à déterminer quels événements, personnages ou groupes méritent d’être étudiés.
- Le sujet commémoré a-t-il une pertinence historique? Le sujet a-t-il entraîné des changements qui ont eu des conséquences majeures pour de nombreuses personnes au cours d’une longue période? Est-ce qu’il met en lumière des enjeux persistants ou naissants dans l’histoire ou la société contemporaine?
- Est-ce que la pertinence historique du sujet varie selon les groupes?
La continuité et le changement visent à examiner ce qui a changé et ce qui est resté tel quel au fil du temps.
- Les interprétations du sujet ont-elles changé ou sont-elles demeurées les mêmes?
Les causes et conséquences visent ce qui a mené à ces événements et ce qui a résulté de ces événements ou des actions prises par des personnages historiques.
- Quelles sont les conséquences prévues et imprévues du sujet commémoré?
- Dans quelle mesure les conséquences négatives de cet événement auraient-elles pu être anticipées et évitées, ou les conséquences positives prévues et favorisées?
Les points de vue historiques visent à comprendre les croyances, valeurs et pratiques sociales, culturelles, intellectuelles et émotionnelles qui ont façonné la vie des peuples de notre passé.
- Quelles croyances représentaient le sujet à cette époque?
- Quels différents points de vue historiques ont été exprimés à propos de ce sujet?
La dimension éthique vise à formuler des jugements pour déterminer si les actions des intervenants historiques étaient justifiées et à reconnaître ou à blâmer certaines personnes ou certains groupes pour leurs actions. Les décisions sur ce qui devrait être fait au sujet des commémorations sont au cœur de la dimension éthique.
- Les gestes posés par le sujet sont-ils acceptables compte tenu des attitudes et croyances de l’époque? Ces gestes seraient-ils acceptables à la lumière des normes de notre époque?
- Le sujet doit-il être commémoré, compte tenu de son legs historique? Ce legs historique est-il conforme aux croyances et valeurs de la collectivité?
- Est-ce que la commémoration a une incidence négative sur des personnes ou des groupes au sein de la collectivité?
Ces questions, même si elles ne sont pas définitives, peuvent aider les citoyens à amorcer une réflexion historique sur le passé. Cette réflexion est essentielle à l’engagement citoyen et permet de s’inspirer du passé pour éclairer nos actions présentes et futures.
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