Petite histoire d'une famille hongroise réfugiée à Montréal
En 1956, de nombreux Hongrois, étudiants, professionnels et ouvriers, se révoltent contre le régime soviétique. Les manifestations, principalement à Budapest, sont réprimées dans le sang par les forces militaires russes. En l’espace de quelques jours, environ 3000 personnes sont tuées, 15 000 sont blessées et 25 000 sont emprisonnées.
Les gouvernements occidentaux, en pleine guerre froide avec l’URSS, se font alors un devoir d’accueillir les quelque 200 000 réfugiés qui fuient la Hongrie. Le Canada lance une opération d’accueil sans précédent. En l’espace de quelques mois, près de 38 000 Hongrois arrivent au Canada, par avion ou par bateau. Ces nouveaux arrivants se dispersent majoritairement dans les grands centres urbains, dont Montréal qui accueille entre 6000 et 7000 réfugiés.
Charles en Hongrie
Charles Tibor Kelemen, président du Comité hongrois de Montréal, a cinq ans lorsqu’il arrive dans la métropole. Lors d’une rencontre avec le Centre d’histoire de Montréal en mars 2016, il partage l’histoire de l’arrivée de sa famille.
En 1956, Charles habite une ville frontalière avec l’Autriche, Sopron. Son père est ingénieur et sa mère est esthéticienne. Ils vivent dans un grand logement au centre-ville avec leurs deux fils. Selon le souvenir de Charles, à la suite des révoltes, le gouvernement soviétique permet l’ouverture des frontières pour une journée. Par millier, les Hongrois passent dans Sopron et fuient vers l’Autriche. Charles nous explique : « Je me souviens de ça. Il y avait des gens qui passaient pis qui passaient. […] C’était pas des gens qui partaient parce qu’ils avaient faim, ils ne voulaient pas vivre dans un régime communiste. »
Les parents de Charles font de même et partent en emportant seulement deux valises. Ils demeurent un an à Vienne avant de s’envoler vers le Canada.
L’accueil des Hongrois à Montréal
À l’annonce de l’arrivée de plusieurs milliers de Hongrois à Montréal, la ville s’active. Le cardinal Paul-Émile Léger, archevêque de la ville, lance un appel à la solidarité des fidèles de son diocèse et crée l’Œuvre des réfugiés hongrois. Par cette agence privée de service social catholique, on coordonne les efforts pour l’accueil des réfugiés. L’organisme travaille, entre autres, avec le Département de l’immigration de Montréal. Ensemble, ils garantissent des abris temporaires aux Hongrois, des vêtements, de la nourriture, et les soutiennent dans leur recherche d’emploi.
La famille de Charles est logée dans les installations militaires de Saint-Paul-l’Ermite qui sont converties en résidences. Son père met du temps à faire valider ses papiers d’ingénieur : « Son premier ouvrage, c’était avec une pelle. […] Ça a duré une journée! » Après quelques mois, ils déménagent dans un petit logement du quartier Côte-des-Neiges. Charles fréquente un pensionnat catholique francophone d’Outremont. Son père travaille finalement comme ingénieur sur de grands chantiers, comme ceux du pont Champlain et de la Place Ville-Marie. Sa mère fait carrière comme coiffeuse.
La vie hongroise à Montréal
À la fin des années 1950, la communauté hongroise de Montréal est déjà bien active. L’arrivée massive des réfugiés ne fait que renforcer sa vitalité. La rue Saint-Laurent, au nord de Sherbrooke, est au cœur des activités. Des clubs, des cafés et des restaurants hongrois se côtoient. Dans le même quadrilatère, on trouve également deux églises et une synagogue fréquentées par les Hongrois. Cette animation s’étend dans divers quartiers de la ville, dont Parc-Extension et l’ouest de l’île. C’est d’ailleurs dans ce secteur que la famille de Charles poursuit sa nouvelle vie en sol montréalais.
Merci à Charles Kelemen, président du Comité hongrois de Montréal, d'avoir collaboré à la recherche et à la validation du contenu de cet article.
Le bal hongrois de la Saint-Étienne
Traditionnellement, pour la haute société hongroise, le bal de la Saint-Étienne est l’occasion de présenter les jeunes filles, ou « débutantes », à leur potentiel soupirant.
Durant la soirée, des danses traditionnelles en groupe ou en duo se succèdent.
Le repas est servi vers 23 h et la fête continue jusqu’au petit matin.
À Montréal, un premier bal de la Saint-Étienne est donné en 1959 à l’hôtel Windsor.
L’évènement est, par la suite, couru par le gratin montréalais. En 1982 et 1984, le premier ministre du Canada, Pierre Elliott Trudeau, en est l’invité d’honneur.
Thèmes associés à cet article
Publicité
Cet article fait partie d’une série d’histoires portant sur l’immigration. Elles furent recueillies, rassemblées et publiées par le MEM — Centre des mémoires montréalaises.