La communauté portugaise de Montréal
Le Canada attire les Portugais depuis longtemps; les premiers contacts entre Canadiens et Portugais dateraient même du milieu du XVe siècle.
Régulièrement cités par les historiens portugais, ces voyages sont toutefois fréquemment contestés par l’historiographie internationale. Correspondant à l’expédition des frères Gaspar et Miguel Cortes Real, la date de 1501 semble plus certaine.
Originaires de l’île Terceira, aux Açores, les frères Cortes Real explorent les côtes de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse et peut-être même les rives du Saint-Laurent. Leurs navires ramènent au Portugal une cinquantaine d’Amérindiens béothuks ou naskapis, qui seront probablement les premiers représentants de leur peuple à fouler le sol européen.
Entre 1521 et 1525, João Alvares Fagundes, gentilhomme de la ville de Viana do Castelo, établit des colons portugais dans l’île du Cap-Breton. C’est la pêche à la morue qui attirera véritablement les Portugais au Canada.
À la même époque, des milliers de Portugais viennent jeter leurs filets dans les bancs de Terre-Neuve et, jusqu’aux années 1950, plus de 3000 Portugais pêchent chaque année dans les eaux canadiennes.
Le contexte historique de l’immigration portugaise au Canada et au Québec
Depuis 1953, la longue histoire d’émigration des Portugais croise l’histoire du Canada et celle du Québec. Des milliers d’hommes et de femmes provenant du continent, des Açores et de Madère s’installent ici.
Ils donnent à certains quartiers de leur nouvelle ville un accent, des parfums et des couleurs qui, depuis, semblent leur avoir toujours appartenu. Des considérations économiques et familiales d’abord ainsi que le caractère pluriculturel des grandes villes telles que Toronto et Montréal attirent les Portugais au Canada.
En 2011, la plus importante communauté portugaise du Canada est composée de 171 545 personnes et se trouve à Toronto; celle de la région métropolitaine montréalaise en compte 59 395 (données du recensement du Canada de 2011).
Des affinités socioculturelles susceptibles d’atténuer les difficultés d’adaptation peuvent aussi avoir suscité l’intérêt des Portugais pour le Québec.
Les années 1950
Pauvreté, sous-emploi, médiocrité des sols, surpeuplement des Açores et de Madère, service militaire, guerres coloniales et répression incitent des milliers de Portugais à quitter leur pays dans les années 1950.
Les foyers d’immigration se multiplient, particulièrement en Europe. Pour sa part, le Canada voit le Portugal comme une excellente source de main-d’œuvre. Ainsi, en 1952, les deux pays concluent une première entente bilatérale d’immigration.
Elle permet au gouvernement canadien de recruter par contrat de travail des travailleurs originaires des Açores, de Madère ou du Portugal continental.
L’année suivante, plus précisément le 13 mai 1953, un premier véritable contingent de travailleurs arrive au quai 21 du port de Halifax, à bord du SS. Saturnia; en juin, le Hellas accoste à son tour à Halifax, y amenant une centaine d’autres Portugais.
En 1954, le gouvernement en recrute davantage. L’immigration portugaise au Canada est lancée pour de bon. À leur arrivée, les pionniers de la communauté portugaise sont pris en charge par les services fédéraux responsables de la main-d’œuvre.
La plupart de ces pionniers ne parlent ni français ni anglais. Employés par des fermes agricoles, des chemins de fer ou des chantiers forestiers, ils accomplissent un travail très pénible et mal rémunéré. Entre 1952 et 1957, 8115 hommes portugais, venus surtout des Açores ou de Madère, s’établiront ainsi au Canada.
La majorité d’entre eux sont seuls. À leurs yeux, les résidences des rares familles portugaises deviennent de véritables foyers d’accueil.
Originaire des Açores, Berta Reis est l’une des premières femmes à venir retrouver son mari à Montréal, mais d’autres la suivront. Arrivée en 1954, elle ouvre avec son mari, sur la rue Saint-Dominique, la première épicerie portugaise de Montréal, en 1956.
De 1960 à 1974
En 1961, le déclenchement des guerres coloniales au Mozambique, en Angola et en Guinée-Bissau accélère le déclin du régime salazariste.
Ces guerres durent 13 années et posent de graves problèmes pour le Portugal : multiplication des dépenses; perte de main-d’œuvre; augmentation du nombre d’invalides; amplification de l’opposition au régime; réactions de la communauté internationale; augmentation de l’émigration clandestine chez les opposants au service militaire obligatoire dû à la guerre.
Chez les Portugais, ces guerres font 30 000 blessés, 20 000 mutilés et plus de 5 000 morts. Pour éviter l’enrôlement militaire obligatoire, des milliers de jeunes fuient le pays; des parents encouragent même leurs enfants à partir.
Angra do Heroismo et Ponta Delgada, Funchal et Lisbonne, Leiria et Aveiro sont les districts qui voient alors partir pour le Québec le plus grand nombre d’émigrants. Ceux qui viennent des Açores sont les plus nombreux (60 %), 38 % sont originaires du continent et 2 % de Madère.
Cette deuxième vague d’immigration amène à Montréal des milliers de Portugais qui s’orientent vers des secteurs économiques traditionnels tels que le textile, la restauration, la construction et l’entretien ménager.
De façon générale, les femmes travaillent dans les manufactures de vêtements du Plateau Mont-Royal ou font de l’entretien ménager dans les quartiers cossus.
Au Portugal, la fin des années 1960 et le début des années 1970 sont marqués par le « printemps marcelista », une tentative désespérée pour sauver le régime corporatiste dirigé par Marcelo Caetano. Les changements qu’il apporte sont plus apparents que réels.
Les tensions sociales augmentent et l’émigration croît de façon marquée.
La révolution du 25 avril 1974 et ses lendemains
La révolution du 25 avril 1974, qu’on appelle la « Révolution des œillets », sonne le glas du régime dictatorial en place depuis 48 ans. De ce côté-ci de l’Atlantique s’achève au Québec la Révolution tranquille, une révolution structurelle initiée en 1960.
Si la « Révolution des œillets », est relativement pacifique, ses lendemains plutôt agités des points de vue politique et social contribuent au maintien d’un important mouvement d’émigration.
Le retour à la démocratie et la fin des guerres coloniales font cependant disparaître peu à peu les motifs habituels de départ. Au cours de la même période, la politique d’immigration canadienne se fait plus restrictive : pour être acceptés, les émigrants doivent avoir déjà un métier.
Pour sa part, la décolonisation force près de 700 000 Portugais à quitter l’Afrique, qui était devenue pour eux une deuxième patrie; on les appelle les retornados. Beaucoup préfèrent néanmoins refaire leur vie à l’étranger plutôt que de retourner au Portugal.
Certains choisissent le Canada comme terre d’accueil; parmi eux, plusieurs sont des réfugiés des anciennes colonies de l’Angola ou du Mozambique. Leur expérience africaine et le drame des guerres coloniales ont forgé chez eux une identité propre qui les distingue des Açoréens et des Portugais du continent vivant ici.
Entre les années 1950 et 1980, plus de 40 000 Portugais ont immigré au Québec. Au courant des années 1980, le pays se modernise ce qui met un frein à l’émigration portugaise.
Certains membres de la communauté portugaise de Montréal retournent au Portugal et l’immigration portugaise diminue considérablement dans la métropole québécoise.
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Cet article fait partie d’une série d’histoires portant sur l’immigration. Elles furent recueillies, rassemblées et publiées par le MEM — Centre des mémoires montréalaises.