Des personnes qui ont changé le cours de l’histoire
Aujourd’hui, certains droits fondamentaux nous semblent acquis, comme l’égalité entre les races et les sexes, l’accès aux soins de santé, l’éducation et un milieu de travail sécuritaire et exempt de harcèlement et de dangers indus.
Ces droits ont été obtenus à prix fort. De courageux citoyens se sont battus pour bouleverser l’ordre établi dans l’espoir de construire un avenir plus équitable et plus juste.
Voici quelques Canadiens et Canadiennes qui ont mis en péril leur réputation, leur gagne pain et même leur vie pour se faire les champions d’une société plus juste pour tous.
Tomekichi « Tomey » Homma
Au début du 20e siècle, en Colombie Britannique, le droit de vote est réservé à de rares privilégiés, la loi en vigueur interdisant notamment aux femmes et aux citoyens non blancs de voter.
En 1900, Tomekichi « Tomey » Homma, un immigrant japonais en Colombie Britannique, décide de contester les règles qui lui interdisent de voter.
À l’époque, les Canadiens sont considérés comme des sujets britanniques naturalisés et à ce titre, Homma prétend que cela lui donne le droit de voter.
La loi de la Colombie Britannique régissant les élections provinciales interdit toutefois aux Canadiens d’origine asiatique de se présenter aux urnes.
Homma intente donc une poursuite contre le registraire provincial, Thomas Cunningham, pour imposer une solution. En l’espace de trois ans, Homma remporte deux victoires devant les tribunaux, notamment devant la Cour suprême de la Colombie Britannique.
La province continue toutefois d’en appeler de ces décisions. En 1903, le Comité judiciaire du Conseil privé de Londres, en Angleterre, à l’époque le plus haut tribunal d’appel, donne raison à la Colombie Britannique, statuant que les provinces ont le droit d’établir leurs propres règles en matière de vote.
Homma ne verra jamais de son vivant les Canadiens d’origine japonaise acquérir le droit de vote, mais sa lutte inspire d’autres citoyens qui continueront de réclamer l’égalité des droits.
En 2009, l’affaire Cunningham c. Tomey Homma est désignée événement historique national.
Annie Noble et Bernard Wolf
De nos jours, les Canadiens seraient révoltés de se voir imposer des règles interdisant la vente ou l’achat de biens, pour des motifs fondés sur la race ou la religion. Au début du 20e siècle, cependant, ces dispositions avaient un poids juridique.
En 1933, Annie Noble veut vendre son chalet sur le lac Huron à Bernard Wolf, de confession juive. Au cours de la transaction, on découvre que l’acte original comporte une clause interdisant la vente du terrain à des Juifs ou des personnes d’origine africaine.
Noble et Wolf intentent donc un recours juridique pour faire annuler cette clause, en s’appuyant sur un jugement récent de la Cour de l’Ontario déclarant l’illégalité d’une clause similaire fondée sur la race.
Vaine tentative, car Noble et Wolf perdent leur procès et leur appel est également rejeté. L’affaire se retrouve devant la Cour suprême du Canada qui, en 1950, déclare invalide la clause fondée sur la race.
Aujourd’hui, l’affaire Noble et Wolf c. Alley est désignée événement historique national et est considérée comme une avancée majeure dans la lutte contre la discrimination au Canada.
L’affaire « personne »
Dans les années 1920, certaines Canadiennes ont obtenu le droit de vote, et d’autres ont été élues ou désignées à des postes longtemps réservés exclusivement aux hommes, dont ceux de députés et de juges.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, les femmes de l’époque ne sont cependant pas considérées comme des « personnes » aux yeux de la loi.
L’affaire éclate en 1927, quand le gouvernement fédéral rejette les appels à la nomination d’une femme au Sénat canadien.
Résistant à la pression, le gouvernement fédéral avance que l’Acte de l’Amérique du Nord britannique stipule que seules des « personnes qualifiées » peuvent être nommées au Sénat et, que selon la définition de la loi, le terme « personne » désigne un homme et non une femme.
En 1927, un groupe de cinq éminentes femmes de l’Alberta — Emily Murphy, Henrietta Muir Edwards, Nellie McClung, Louise McKinney et Irene Parlby — demandent à la Cour suprême de déterminer si les femmes sont des personnes en vertu de l’AANB.
L’affaire Edwards c. Procureur général du Canada, très médiatisée à l’époque, suscite une grande déception quand la Cour suprême se prononce contre les « cinq femmes célèbres ».
Refusant de baisser les bras, les femmes en appellent de cette décision devant le Comité judiciaire du Conseil privé. Le 18 octobre 1929, ce dernier se prononce en faveur des cinq femmes célèbres.
Six ans plus tard, Cairine Wilson devient la première sénatrice du Canada. En 1997, l’affaire « personne » est désignée événement historique national.
Les Midinettes
Dans les années 1930, à Montréal, elles s’éreintent au travail pendant presque 80 heures par semaine, entassées dans des salles de couture surchauffées et sombres pour environ 15 cents la robe.
Ces femmes, qui constituent le gros de la main d’œuvre du secteur de la confection, représentent un large spectre de la société. Ce sont des Canadiennes francophones et anglophones, des juives, et des immigrantes récentes d’Europe de l’Est.
Appelées midinettes — une contraction des mots midi et dinette, parce qu’elles sortent par centaines dans les rues pour avaler leur repas en vitesse avant de retourner au travail —, ces femmes n’ont pas de représentation syndicale et n’ont aucun recours pour revendiquer de meilleures conditions de travail ou de meilleurs salaires.
En 1937, près de 5 000 travailleuses du vêtement font la grève pour obtenir de meilleurs avantages et de meilleures conditions de travail.
Cette grève est extraordinaire en raison de la coopération entre les employées francophones de religion catholique romaine et leurs collègues juives; elle brise les barrières religieuses et ethniques et constitue un pas de géant vers une solidarité accrue dans le milieu de travail dans la province.
En 2007, la grève des couturières de Montréal est désignée événement historique national.