L'héritage de l’ataatasiaq

Un jeune garçon et sa sœur apprennent de leur grand-père ce qu'il faut faire et ce qu'il faut savoir pour construire un igloo, et comment cette structure est essentielle à leur culture inuite. 
Texte et illustrations de Saelym Degrandpre Mis en ligne le 22 octobre 2024

Baker Lake (Nunavut)
23 octobre 1990

Le visage piqué par le froid de l'Arctique, Kallu et ses petits-enfants se préparaient pour leur excursion. La neige blanche était étincelante, illuminée par le soleil du petit matin.

— Est-ce qu'on va aller à l'endroit où tu chassais quand tu étais petit? demanda Albert, le petit-fils de Kallu, les yeux écarquillés par l'excitation.

— Oui, répondit Kallu en souriant. On va prendre un qamutik, comme je le faisais avec ma famille. Mais cette fois, il va être tiré par une motoneige, pas par des chiens de traîneau. Et on va dormir dans un igloo.

— Wow, ça devrait être amusant! ajouta Arna, la soeur d'Albert. Mais comment tes parents avaient appris à faire des igloos?

— Je vais vous montrer à en construire un pendant notre excursion, répondit Kallu avec un petit sourire. Vous allez avoir la chance d'apprendre les techniques qui ont permis à notre peuple de survivre pendant des milliers d'années. Atii!

— Et maintenant, ajouta-t-il, allez dire à votre maman et à votre grand-maman qu'on les aime beaucoup et qu'on va s'ennuyer d'elles.

Ils dirent au revoir à leur famille avant de s'en aller. Les enfants étaient excités d'apprendre des nouvelles choses et, malgré l'air froid, les souvenirs d'enfance de Kallu lui faisaient chaud au coeur.

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Longtemps auparavant, quand Kallu avait seulement sept ans, il avait fait sa première grande expédition de chasse avec son père et ses grands-parents. Les terres de l'Arctique s'étendaient à l'infini devant lui, le ciel et la toundra enneigée se rejoignaient avec une grande beauté, illuminés par le soleil du petit matin.

Kallu, assis à l'arrière du qamutik, entouré de peaux de caribous, de fourrures et d'outils, écoutait les chiens qui aboyaient en courant. Il était enfin assez vieux pour participer à une expédition de chasse! Fier de lui, il ajusta ses nouvelles lunettes de neige en os.

Ils se dirigeaient vers le territoire de chasse aux caribous, en traversant la grande vallée entre les montagnes enneigées. La région était toujours magnifique, mais les hautes montagnes étaient particulièrement spectaculaires.

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— Alors, les amis, vous êtes prêts? lança Kallu.

La motoneige de Kallu se mit à rugir pendant que les enfants, tout excités, grimpaient dans le traîneau à l'arrière.

— Ouep, on est prêts! s'écrièrent ensemble Arna et Albert.

Quand ils se mirent en route, Kallu ressentit encore la même chaleur en repensant à son enfance. Comme la ville était maintenant plus proche du territoire de chasse où sa famille avait l'habitude de se rendre, le voyage durerait seulement deux jours cette fois-ci.

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— Hé, ataatasiaq, lança Arna, est-ce qu'on va dormir dans la neige? Est-ce qu'on va avoir assez chaud?

— Oui, Arna, répondit Kallu, on va dormir dans un château de neige. On va construire un igloo. Je vais vous montrer comment faire, exactement comme mon papa et mon grand-papa me l'ont montré. Mais d'abord, il faut trouver la bonne neige.

— C'est quoi, la bonne neige? demanda Albert, curieux.

— La bonne neige, c'est de la neige épaisse, profonde et bien tassée, expliqua Kallu. Elle est un peu collante quand on marche dessus. Ne vous en faites pas — je sais exactement où en trouver. La motoneige s'arrêta en crachotant au pied d'une haute colline enneigée. La neige était parfaite pour y construire un igloo et on y voyait des pistes de caribous. Les enfants étaient émerveillés. Kallu commença à découper des blocs de neige avec son couteau spécial, un pana.

— Venez voir ce que je fais, dit Kallu à ses petits-enfants, qui coururent vers lui pour voir comment il s'y prenait.

— Quand j'étais jeune, j'ai brisé tellement de blocs! Ça prend de l'entraînement, dit Kallu en riant. Il ne suffit pas de découper et d'empiler les blocs. Il faut aussi creuser un cercle pour la base et faire une entrée. Vous pouvez commencer à creuser tous les deux pendant que je continue à découper les blocs.

Après avoir fait quelques blocs, Arna et Albert prirent chacun une pelle et commencèrent à creuser une base circulaire et une entrée pour leur igloo pendant que Kallu continuait à découper et à transporter ses blocs de neige vers la structure qui commençait à former un dôme.

— On a presque fini! Comment de la neige aussi froide va pouvoir nous garder au chaud? demanda Arna.

— Elle garde la chaleur de notre corps à l'intérieur, expliqua Kallu. Et on va aussi utiliser une lampe à l'huile en pierre pour nous éclairer, nous réchauffer et cuisiner. Le qulliq est très important — c'est avec ça qu'on fait sécher nos vêtements et qu'on reste au chaud. C'est une tradition qui nous a été transmise depuis bien des générations.

— Votre arrière-grandmaman, ma maman, ajouta Kallu d'une voix plus douce, m'a appris à quel point ces connaissances sont importantes. Savoir comment construire un igloo et nous servir d'un qulliq, ça nous connecte à nos ancêtres. C'est une tradition qui nous a gardés au chaud et en sécurité pendant des milliers d'années. Arna regarda son grand-père avec de grands yeux, l'air désolée pour lui. — Ça devait être difficile de devoir toujours construire un nouvel igloo partout où vous alliez.

— Oui, reconnut Kallu en hochant la tête. Mais ça faisait partie de notre vie. On suivait les animaux et on apprenait nos leçons de la terre, notre Nuna. Le soleil allait bientôt se coucher, mais l'igloo commençait à prendre forme. Kallu et ses petits-enfants travaillaient ensemble pour empiler les blocs et terminer l'entrée.

— C'est le temps de mettre les derniers blocs en place, dit Kallu d'une voix remplie de fierté.

L'igloo était prêt. Les enfants coururent jusqu'au traîneau pour aller chercher les fourrures et les peaux de caribous, et ils les apportèrent à l'intérieur pour pouvoir s'asseoir sur une surface bien chaude. Pendant qu'ils s'installaient pour la nuit, Kallu réduisit la lumière du qulliq. Les enfants eurent droit à un délicieux repas de ragoût de caribou et de banique, comme récompense pour avoir bien travaillé à construire l'igloo. En regardant ses petits-enfants, Kallu se sentait profondément heureux. Ils allaient conserver les traditions et les enseignements de leur peuple, en chérissant leur héritage et en le transmettant à la génération suivante.

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Les Inuits construisent des igloos comme abris depuis des milliers d'années. L'igloo (iglu en inuktut) est une brillante invention.

Avec un couteau spécial (un pana), le constructeur découpe des minces blocs de neige bien tassée, il égalise le dessous et il les dispose en cercle. Les murs s'élèvent en spirale et penchent graduellement vers l'intérieur pour former un dôme. Toutes les fentes entre les blocs sont remplies de neige. Un igloo peut être tout petit, pour un seul chasseur coincé dehors pendant une tempête, ou assez grand pour une famille de 15 personnes.

Les Inuits vivent aujourd'hui dans des maisons modernes, mais les igloos demeurent un élément important de leur culture. Nous avons inventé les personnages de cette histoire, mais des gens comme Kallu transmettent encore aux enfants inuits les histoires et les méthodes qui se rattachent à la construction d'un igloo.

Saelym Degrandpre est une artiste et écrivaine inuite qui vit à Ottawa. Elle s'intéresse particulièrement aux récits, à la culture et à l'histoire des Inuits.

Cet article est paru dans le numéro de novembre 2024 du magazine Kayak: Navigue dans l’histoire du Canada.

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