Reinventer le monde
On n’avait jamais rien vu de tel au Canada ni en Amérique du Nord : 5000 films (30 par jour !), 15 000 artistes, des milliers d’œuvres d’art. C’est à l’Expo 67 que le public découvre l’architecture en structure spatiale, le cinéma interactif, le téléphone mains libres, mais aussi l’architecture de paysage et un urbanisme complètement délié.
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Expo 67 aura été un triomphe de modernité dans presque tout ce qu’elle a touché. Elle se voulait l’expression d’une ambition, d’une époque et d’un rêve. « Les gens qui ont fait l’Expo voyaient grand », écrit Robert Fulford dans Portrait de l’Expo. « Ils voulaient qu’elle soit non seulement belle, mais grandiose ; ils ont réussi. »
Dans le livre commémoratif Terre des Hommes/Man and His World, l’auteure Gabrielle Roy raconte sa visite du site six mois avant l’ouverture : « C’était l’ébauche fort avancée d’une ville, en partie sortie de l’eau, en partie entourée d’eau, une ville singulière faite non pas pour être habitée, mais seulement visitée. (…) Dès que j’eus mis le pied, je me sentis transportée ailleurs. Mille détails, mille aperçus de l’ensemble me saisirent, me captivèrent et m’enchantèrent. (…) Tout cela dessinait un paysage à l’image de l’homme moderne comme je n’en avais encore vu nulle part. »
Robert Fulford abonde dans le même sens : « Il y avait tant de nouveau et tant d’inusité, tant d’audace même, qu’on croyait voir naître un monde nouveau en architecture, qu’on pensait assister au début d’une révolution. »
Expo 67 aura permis toutes les folies, cubistes ou traditionnelles, en bardeaux, en faïence, en acier, en béton ou en rondins. Le pavillon allemand était une tente en plastique de 15 étages. Le pavillon néerlandais, un gigantesque assemblage de tubes d’aluminium. Avec Habitat 67 et le dôme géodésique, les architectes Moshe Safdie et Buckminster Fuller donnent à Montréal deux monuments qui lui seront indissociablement liés.
Absolument tout était pensé pour rendre une image du temps — réel ou fantasmé. On y proposait une idée nouvelle de la ville, sans voiture, où tout est propre et où chacun se déplace à pied, en vélo, en gondole, ou dans une demi-douzaine de modes de transport de masse comme le métro, le mini-rail, le téléphérique, le batobus et même l’aéroglisseur. Le mobilier urbain — cabines téléphoniques, réverbères, même les poubelles — devait être beau. Même la signalétique en pictogrammes était une nouveauté — ce qui a créé bien des soucis autour des toilettes, où personne n’était habitué aux affiches représentant un homme et une femme (une invention de l’Expo).
Si Expo 67 a été un tel succès en matière d’interactivité, de design, d’architecture et de culture, ce fut parce que son comité organisateur a compris très tôt qu’il devait faire plus qu’organiser, mais effectuer une véritable direction artistique. Comme toutes les expositions précédentes, il s’est donné un thème, Terre des Hommes.
Mais pour la première fois, un comité organisateur se fera une mission de créer des pavillons voués à illustrer cette thématique – L’Homme interroge l’univers, L’Homme à l’œuvre, Images de l’Homme et L’Homme dans la cité –, qui seront aussi populaires que les pavillons nationaux.
Il s’efforcera d’imposer sa mission éducative et humaniste à tous les exposants, nationaux, associatifs ou privés. C’est ainsi que le pavillon de la compagnie Kodak se donnera pour mandat d’éduquer le public à la photographie — plutôt que de vendre des produits Kodak.
Expo 67 se voulait une utopie. Expo 67 a voulu être, et fut, la vitrine du « futur maintenant ». Bien au-delà du consumérisme, 1967 était l’année de l’optimisme, l’année où tout était possible, l’année où le futur était littéralement à portée de main.
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