Le triomphe de McDonald
Le jour où les Flames de Calgary ont gagné la première, et jusqu’à présent, la seule Coupe Stanley de leur histoire, l’entraîneur Terry Crisp a dû prendre une décision cruciale pour une carrière, du type qui ne se présente qu’occasionnellement dans les sports professionnels.
Agirait-il par sentiment en insérant dans son alignement le joueur le plus représentatif de la franchise, nommément Lanny McDonald, même si ce dernier n’avait fait que de brèves présences durant le parcours des Flames vers la finale de la Coupe Stanley de 1989 qui les opposait aux Canadiens de Montréal? Ou adopterait-il une démarche plus rationnelle et pragmatique en optant pour un joueur plus jeune et plus robuste?
M. Crisp n’avait pas beaucoup dormi la veille, absorbé par le dilemme, et ce n’est qu’au terme d’une longue promenade le long de la rue Sainte‐Catherine, après l’exercice de patinage du matin, qu’il trancha. McDonald jouerait – ce qui se passa ensuite fait dorénavant partie de l’histoire de la franchise.
Environ six heures après que M. Crisp ait pris sa décision, McDonald a reçu une passe de son joueur de centre, Joe Nieuwendyk, s’est avancé vers le gardien des Canadiens, Patrick Roy, et a marqué ce qui allait être le dernier but de sa remarquable carrière. McDonald avait compté son tout premier but dans la LNH contre Montréal alors qu’il était une recrue des Maple Leafs de Toronto. Ce but-là a été mémorable ; le dernier a écrit l’histoire. Il brisait l’égalité à un but en deuxième période et donnait aux Flames une avance qu’ils ne devaient plus perdre.
Doug Gilmour a porté le score à 3 à 1; mais les Canadiens ont réduit l’écart à un but. Puis dans les dernières secondes, Gilmour a mis le match hors de portée en marquant dans un filet désert. Score final de la partie et aussi de la série, 4 à 2; McDonald mettait alors un terme d’une façon digne d’un roman à une carrière remarquable en remportant la Coupe Stanley à sa dernière sortie dans un uniforme de la LNH.
Les Canadiens se sont installés dans le Forum de Montréal en 1926 et ont joué à cet endroit durant soixante‐dix années avant de déménager dans l’amphithéâtre qui porte désormais le nom de Centre Bell. Durant cette période, la seule équipe à remporter une coupe au Forum a été les Flames de Calgary.
C’était le retour du balancier, car trois années auparavant, les Canadiens avaient remporté leur vingt‐troisième Coupe Stanley au Olympic Saddledome de Calgary; une des rivalités les plus plaisantes de l’époque s’inscrivait alors dans un charmant cycle karmique.
Vainqueur, l’entraîneur Crisp a mérité son propre instant de notoriété. Il devenait un des huit hommes seulement à remporter la Coupe Stanley comme entraîneur et aussi comme joueur. L’équipe de cette année-là, assemblée par le directeur général Cliff Fletcher dans le but de rivaliser avec les Oilers d’Edmonton, la dynastie des années 1980, comptait six attaquants, auteurs de cinquante buts dans une saison à au moins une reprise dans leur carrière — McDonald, Nieuwendyk, Joey Mullen, Hakan Loob, Gary Roberts et Theo Fleury — et il ne faut pas oublier Gilmour, membre du Temple de la renommée et un des premiers joueurs polyvalents sur la place.
La défense était organisée autour du flamboyant Al MacInnis, gagnant du trophée Conn Smythe, remis au joueur le plus utile, dont le puissant lancer frappé était redouté par Roy, un des plus grands gardiens de tous les temps. Ça n’a pas été le chant du cygne uniquement pour McDonald. Loob, qui auparavant était devenu le premier joueur natif de Suède à compter cinquante buts dans une saison de la LNH, a pris sa retraite pour des motifs personnels — il désirait élever sa famille en Suède.
Nieuwendyk et Roberts étaient de jeunes blancs–becs — des amis d’enfance de Whitby, en Ontario, encore jeunes garçons la première fois qu’ils ont vu McDonald. Ils s’étaient faufilés dans l’aréna de Markham afin d’assister au tournage d’une capsule de Showdown, un concours de lancers de punition, qui était projetée entre les périodes durant l’émission Hockey Night in Canada. McDonald, un des participants, cassa son bâton et nos lascars réussirent à rapporter ce souvenir, étonnés par son poids.
C'était une époque de dynasties dans la LNH. Et beaucoup de membres de l’équipe des Flames, championne de la Coupe, s’imaginaient que leur formation, qui avait accumulé 117 points au classement, répéterait l’exploit encore et encore, comme les Oilers, les Islanders et les Canadiens avant elle.
Mais ce ne sera pas le cas — et, peut‐être à cause de cela ou à cause de la nature particulière des événements, ce moment demeure figé dans le temps et dans la mémoire collective des partisans de Calgary, même presque trois décennies plus tard.
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