Louis-H. Lafontaine et Robert Baldwin
L’éditeur en chef de la collection Extraordinary Canadians, chez Penguin, nous propose un récit passionnant qui jette un nouvel éclairage sur certains de nos personnages historiques les mieux connus. Doit-on s’en étonner? L’ouvrage de John Saul, Louis-Hippolyte LaFontaine et Robert Baldwin, atteint certainement son objectif. À deux occasions au moins, John Saul affirme que LaFontaine et Baldwin, les pères fondateurs du système gouvernemental canadien, furent les pionniers d’une politique axée sur la retenue et la résolution pacifique des conflits, ouvrant la voie à de grands leaders, comme M. K. Gandhi et Nelson Mandela. Ses arguments sont convaincants, mais tellement contraires à l’idée que l’on se fait de la place du Canada dans l’histoire, qu’ils nous paraissent difficiles à croire.
La plupart des élèves du secondaire se souviennent vaguement du gouvernement responsable, un concept qui reflète le côté discret de notre histoire, truffée de paperasse et de déclarations constitutionnelles, mais totalement dépourvue d’audace et d’effusions de sang. Saul s’emploie à présenter aux Canadiens les personnages qui ont façonné cette période pivot de notre histoire d’une « manière nouvelle et inattendue ».
Son récit est plein de rebondissements dramatiques. Le premier chapitre commence par une description de LaFontaine et de Baldwin qui attendent impatiemment l’arrivée de Lord Elgin, chargé de donner son assentiment à un projet de loi controversé venant tout juste d’être adopté par le premier Parlement démocratiquement élu du Canada. Les émeutiers, qui envahissent les rues de Montréal, s’en prennent à l’attelage du gouverneur général et lui lancent des œufs et des pierres.
Est-ce qu’Elgin — et l’Angleterre — tournera le dos au Parlement colonial? John Saul étudie les événements qui mènent à ce moment phare : les rébellions de 1837, le Pacte de famille, la clique du Château, le rapport de Lord Durham, l’Acte d’Union et la lutte pour une démocratie canadienne.
Ce livre suit plus particulièrement les vies parallèles de deux hommes de principe canadiens, un anglophone, un francophone, qui grandirent au cours d’une période mouvementée sur les plans politique et économique, période qui a influencé leur pensée ainsi que leur passion pour la justice et l’égalité. Tous deux en vinrent aux mêmes conclusions et entreprirent une carrière politique, à titre de réformateurs. Ils étaient déterminés à créer une version toute canadienne d’une nouvelle tendance mondiale axée sur la représentation populaire et l’imputabilité. Ils devinrent des amis et survécurent à d’incroyables rebondissements électoraux, notamment les campagnes (difficiles à imaginer, mais néanmoins réussies) qui menèrent à l’élection de LaFontaine à Toronto, en 1841, et de Baldwin à Rimouski, au Québec, deux ans plus tard. Enfin, ils obtinrent la majorité des sièges lors des élections de 1848, et ce fut le début de leur « grand ministère ».
Les lecteurs qui connaissent Mon pays métis, publié par John Saul en 2008, reconnaîtront la passion qui habite l’auteur lorsqu’il décrit les réalisations de ces hommes et leur rôle dans l’établissement des fondations de la plupart des structures de gouvernance moderne du Canada. En effet, les percées qu’ils ont réalisées en trois courtes années solidifieront notre système de démocratie parlementaire, notre appareil judiciaire et nos établissements d’enseignement laïques, lanceront la construction des routes et chemins de fer du pays, annuleront les restrictions frappant le commerce dans les colonies et donneront naissance au bilinguisme.
LaFontaine était convaincu que le système parlementaire britannique serait plus efficace pour protéger les aspirations culturelles des Canadiens français à l’intérieur d’un Canada uni, et Baldwin insistait sur l’importance de la justice et de l’égalité envers les populations francophones pour préserver l’union du Canada. Ces deux hommes étaient des visionnaires, mais leurs idées étaient peu populaires dans leurs communautés respectives. Le fait qu’ils aient réussi à guider notre jeune nation dans cette voie est véritablement remarquable. Qu’ils y soient parvenus sans recourir à la force une seule fois est encore plus extraordinaire.
Précurseurs de Gandhi et de Mandela? Cela paraît incroyable, mais c’est précisément l’argument que veut faire ressortir ce livre. L’auteur condense deux vies complexes en trois cents pages, mais son texte ne se limite pas à une agréable lecture; il devient une source d’inspiration, tout comme ces deux personnages historiques l’ont été à leur époque.
Thèmes associés à cet article
Publicité