La Vérité sur la bataille des plaines d’Abraham
La phrase figurant sur la couverture du nouveau livre de D. Peter MacLeod, « Les huit minutes de tirs d’artillerie qui ont façonné un continent », est sans doute volontairement trompeuse.
D. Peter MacLeod, l’historien spécialiste de la période pré-Confédération du Musée canadien de la guerre à Ottawa, sait très bien que le siège de Québec a duré plus de huit minutes, et qu’il est le point culminant d’une campagne de plusieurs mois marquée par des combats brutaux dans toute la région du Saint-Laurent, de Montréal jusqu’au golfe du Saint-Laurent, et bien au-delà.
Tous ceux qui connaissent un peu l’histoire du Canada savent quelles sont les grandes lignes de la bataille de Québec. D’un côté, il y avait Louis-Joseph de Montcalm-Gozon, marquis de Saint-Véran, le commandant suprême des forces françaises en Amérique du Nord, convaincu que ce Gibraltar du Nouveau Monde ne pourrait jamais être pris. De l’autre, l’impitoyable, mais très efficace général britannique James Peter Wolfe, l’homme qui avait réussi à prendre la forteresse de Louisbourg et à faire entrer ses troupes par la « porte arrière » de Québec, pour mourir au moment de sa plus grande victoire. Ce terrible conflit emportera les deux hommes et, même 250 ans plus tard, il continue de provoquer des émotions intenses, tant du côté francophone qu’anglophone.
Tout cela est vrai, mais ce n’est qu’une petite partie de l’histoire. D. Peter MacLeod sait que les faits sont plus complexes, et qu’ils font intervenir des gens ordinaires, qui se sont retrouvés au cœur de ce grand événement de notre histoire.
Ce sont ces nombreux fils narratifs, tissés par l'auteur avec adresse, qui font de La Vérité sur la bataille des plaines d’Abraham un ouvrage si agréeable à lire.
Prenons, par exemple, l’histoire de ce commis anonyme qui travaillait pendant le siège au Magasin du Roy de Québec (l’entrepôt royal) et veillait à ce que les troupes françaises ne manquent de rien pour gagner la guerre. À partir de son journal anonyme, D. Peter MacLeod nous raconte cette guerre à travers les yeux d’un fonctionnaire frustré; nous sommes tous interpellés par sa description de l’ineptie des bureaucrates et des chefs de l’époque qui ne pouvait mener les troupes françaises qu’à la défaite.
Nous découvrons également William Hunter, un marin britannique qui espérait faire avancer sa carrière en accompagnant Wolfe lors de son assaut sur Québec.
L’auteur fouille dans les registres, les journaux intimes et les dossiers officiels pour trouver des récits qui donnent un visage humain à cette bataille. Ce sont ces petites « tranches de vie » qui nous rappellent que les guerres ne sont pas gagnées ou perdues par les seuls généraux, mais aussi par les troupes sur le terrain, les marins sur leurs navires et les milliers d’acteurs anonymes qui participent indirectement à la bataille. Peu après la publication de ce livre, on a annulé une reconstitution du siège de Québec, prévue depuis longtemps. Cet événement devait coïncider avec le 250e anniversaire de la bataille, en septembre 2009.
Ceux qui ont lutté pour l’annulation de cette reconstitution historique auraient sans doute souhaité que l’on oublie également le conflit. Il serait utile aux deux parties de ce débat de lire ce livre, ne serait-ce que pour se rappeler qu’il y a bien plus, derrière notre histoire commune (dont le siège de Québec fait partie) que le résultat final.
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