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Il n’est pas facile de trouver des documents originaux sur l’histoire des Noirs au Canada. En effet, de nombreux étudiants du secondaire ou de l’université reviendraient de la bibliothèque bredouille s’ils comptaient y trouver de l’information sur les Noirs au 18e siècle. Quelques-uns, plus persévérants, pourraient tomber sur des annonces dans les journaux sur des esclaves en fuite.
Par exemple, le 3 juillet 1792, le numéro du journal Royal Gazette et du Nova Scotia Advertiser publie un dessin rudimentaire représentant des esclaves en fuite et accompagné du texte suivant [TRADUCTION] « Joseph Odel et Peter Lawrence (nègres) ont fui leurs maîtres et quitté Digby hier soir… Quiconque retrouvera lesdits nègres et les remettra à leurs maîtres recevra la somme de DIX DOLLARS et le paiement de tous les frais encourus. Daniel Odel, Phillip Earl ».
L’étudiant déterminé pourrait aussi trouver les mémoires rédigés il y plusieurs siècles par des Noirs qui sont venus d’installer au Canada, par exemple, les Memoirs of the Life of Boston King, a Black Preacher. Written by Himself (mémoires de Boston King, un prêcheur noir. Écrits par lui‑même), qui commencent, comme tous les récits d’esclaves, par les circonstances entourant sa naissance : [TRADUCTION] « Je suis né dans la province de la Caroline du Sud, à 28 milles de Charleston. Mon père a été en enlevé en Afrique lorsque j’étais un jeune garçon… ».
Mais peu de ces étudiants trouveront un document méconnu contenant les noms, l’âge, le lieu d’origine et la situation personnelle de milliers de Noirs qui ont fui l’esclavage des États américains dans l’espoir de trouver une vie meilleure au Canada.
Ce document, c’est le Livre des Noirs.
Ce registre manuscrit fait environ 150 pages. Il contient une foule d’information sur la vie des Noirs il y a plus de deux siècles. On y apprend même des faits de la vie quotidienne, notamment qui a contracté la variole, qui était aveugle, qui voyageait avec de petits enfants. On y apprend entre autres qu’une femme s’est embarquée à bord d’un navire en route vers la Nouvelle‑Écosse avec ses trois enfants, un bébé dans un bras et un bambin dans l’autre. Le Livre des Noirs nous donne donc des détails précis sur la façon dont les esclaves ont tenté de se libérer de ce joug. En tant qu’outil de recherche, il offre aux historiens et aux spécialistes de la généalogie la possibilité de retracer ces anciens esclaves et d’établir des liens avec d’autres documents, comme les manifestes des navires, les registres d’esclaves, les recensements et dossiers d’impôt.
Le Livre des Noirs n’est pas qu’un registre créé pour la postérité. En 1783, il équivalait à la promesse d’une vie meilleure pour tous ceux dont le nom y figurait.
Malheureusement, le Livre des Noirs a été en grande partie oublié au Canada. Ce registre, qui remonte à une époque où les personnes d’origine africaine étaient essentiellement exclues des documents officiels, nous propose un portrait intime et troublant sur les origines des loyalistes noirs au Canada. Établi en 1783 par les officiers de l’armée britannique à la fin de la Guerre d’indépendance, le Livre des Noirs constitue le premier registre public d’importance à recenser les Noirs en Amérique du Nord. En effet, ce qui rend ce registre si fascinant, ce sont les détails sur les origines de ces fugitifs et sur la façon dont ils sont parvenus à fuir vers la Nouvelle-Écosse et d’autres colonies britanniques.
Le document, qui est essentiellement un registre détaillé, contient les noms de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont voyagé, certains à titre de personnes libres, d’autres en tant qu’esclaves ou domestiques liés par contrat auprès de loyalistes blancs de l’Empire Uni, dans 219 navires partant de New York entre avril et novembre 1783. Le Livre des Noirs fait bien plus que recenser leur nom pour la postérité. En 1783, il équivalait à la promesse d’une vie meilleure pour tous ceux dont le nom y figurait.
En tant que dernière forteresse britannique pendant la Guerre d’indépendance, Manhattan — où le sacré et le profane étaient si intimement reliés que ce quartier comptant de nombreux bordels était ironiquement appelé la « terre sainte » en raison de sa proximité des églises – devint un refuge pour les fugitifs noirs. Certains des Noirs qui affluaient vers la ville arrivèrent de leur propre gré. D’autres y avaient été invités par les Britanniques qui, par deux fois, émirent des proclamations exhortant les Noirs à abandonner leurs maîtres esclavagistes pour servir dans les forces du roi George III.
La première proclamation paraît en novembre 1775, quelques mois après le début de la Guerre d’indépendance. Pour accroître le soutien aux forces britanniques, John Murray, le gouverneur de la Virginie connu sous le titre de Lord Dunmore, soulève l’ire des esclavagistes américains avec sa fameuse Proclamation Dunmore :
[TRADUCTION] Afin que la paix et l’ordre soient rapidement restaurés… J’exhorte toute personne capable de porter les armes de se rapporter à Sa Majesté… et je déclare par les présentes que tous les domestiques liés par contrat, les Nègres ou toute autre personne libre (appartenant aux rebelles), aptes et prêts à porter les armes, se joignent aux troupes de Sa Majesté, dès que possible, pour ramener cette colonie à la dignité et à son devoir envers la Couronne de Sa Majesté.
Les esclaves noirs profitent de cette proclamation pour fuir leurs maîtres et participer à l’effort de guerre britannique.
La Proclamation Philipsburg arrive quatre ans plus tard et vise à attirer non seulement ceux qui sont aptes à porter les armes, mais toute personne noire, homme ou femme, prête à servir l’armée britannique à titre de cuisiniers, blanchisseurs et ouvriers. Émise en 1779 par Sir Henry Clinton, commandant en chef des Forces britanniques, elle promet protection à tout Noir qui abandonne le statut de rebelle et le droit d’exercer le métier qui lui sied gré.
Ironiquement, Lord Dunmore, qui publie la première proclamation, était alors lui-même propriétaire d’esclaves. En vérité, lorsque les anciens officiers britanniques quittèrent New York à la fin de la guerre, ils amenèrent avec eux leurs esclaves ou domestiques, qui n’avaient d’autre choix que de suivre leurs maîtres vers des territoires encore sous la gouverne du Roi.
Néanmoins, en réponse aux promesses de sécurité et de liberté des Britanniques, de nombreux Noirs abandonnèrent leurs maîtres et prêtèrent leurs talents et leurs bras à une armée affaiblie par les épidémies de variole et par le lourd tribut d’une guerre livrée sur un continent étranger.
Pour trouver des exemples de Noirs se joignant à l’effort de guerre britannique, vous n’avez qu’à parcourir le Livre des Noirs, contenant des listes d’hommes, de femmes et d’enfants ayant servi au sein d’un régiment appelé les Black Pioneers. À bord du navire La Aigle [sic], par exemple, qui quitta New York pour Annapolis Royal le 21 octobre 1783, les 44 passagers, hommes, femmes et enfants, sont inscrits comme ayant servi au sein de ce régiment. Les enfants accompagnaient leurs parents et combattaient aux côtés des Britanniques :
Jam Crocker, 50 ans, homme ordinaire, Black Pioneers. Ancien domestique de John Ward, Charlestown, Caroline du Sud, a quitté son maître en 1776.
Molly, 40 ans, femme ordinaire, handicapée du bras gauche, Black Pioneers. Ancienne esclave de M. Hogwood, Great Bridge près de Portsmouth, Virginie; a quitté son maître en 1779.
Jenny, 9 ans, Black Pioneers. Ancienne esclave de M. Hogwood, Great Bridge près de Portsmouth, Virginie; a quitté son maître en 1779.
Comme se fait-il que des milliers de Noirs massés dans des camps de fortune de Manhattan se retrouvent sur les pages du Livre des Noirs et prennent la mer pour la Nouvelle-Écosse vers la fin de la guerre?
Les Noirs américains ne se rallient pas tous à la cause des Britanniques pendant la Guerre d’indépendance. En effet, bon nombre d’entre eux luttent aux côtés des Américains, et le premier soldat à mourir au cours de cette guerre est un rebelle noir de Boston nommé Crispus Attucks. (Il est une des cinq personnes tuées lors du massacre de Boston le 5 mars 1770 et est fréquemment considéré comme le premier martyr de la Guerre d’indépendance américaine). Cependant, les Noirs qui se joignent aux Britanniques le font dans l’espoir d’obtenir leur liberté à la fin de la guerre.
En 1782, alors qu’il devient évident que les Britanniques perdent la guerre et que George Washington, commandant en chef de l’armée continentale, se prépare à prendre le contrôle de New York, les Noirs de Manhattan voient leurs rêves de liberté s’éloigner d’eux. On leur avait promis la liberté en échange de leurs services pendant la guerre.
Est-ce que les Britanniques tiendront leurs promesses?
Pendant un certain temps, il semble que ce ne sera pas le cas. Lorsque les modalités du traité de paix provisoire conclu entre les Britanniques et les rebelles victorieux sont publiées, en 1783, les loyalistes noirs se sentent trahis. L’article 7 du traité de paix donne à ces derniers l’impression que les Britanniques les ont complètement abandonnés. En voici les grandes lignes :
[TRADUCTION] Toutes les hostilités, sur mer et sur terre, cessent dès à présent, tous les prisonniers des deux côtés du conflit doivent être remis en liberté et Sa Majesté britannique doit, avec célérité et sans causer de destructions et sans emporter les Noirs ou toute autre propriété appartenant aux habitants américains, retirer ses armées des dits États-Unis et démanteler ses garnisons et ses flottes.
Boston King, un ancien esclave et loyaliste noir qui s’enfuit du sud de la Caroline et qui servira au sein des Forces britanniques pendant la guerre pour ensuite devenir pasteur en Nouvelle-Écosse, et plus tard, en Sierra Leone, évoque dans ses mémoires la terreur ressentie par les Noirs lorsqu’ils découvrent les modalités du traité de paix :
[TRADUCTION] Les horreurs et la dévastation de la guerre étaient enfin terminées et la paix restaurée entre l’Amérique et la Grande-Bretagne, une grande source de joie pour les parties, sauf pour nous, qui avons échappé à l’esclavage et trouvé refuge au sein de l’armée anglaise; en effet, selon les rumeurs courant à New York, tous les esclaves, au nombre de 2 000, devront être retournés à leurs maîtres, même si certains d’entre eux ont passé trois à quatre ans parmi les Anglais.
Cette terrible rumeur nous fait craindre le pire… d’autant que nous avons vu nos anciens maîtres arriver de la Virginie, de la Caroline du Nord et d’autres régions pour s’emparer de leurs esclaves, les enlevant sur les rues de New York, et les sortant parfois littéralement de leur lit. Bon nombre de ces esclaves avaient des maîtres très cruels, l’idée de retourner sur leurs terres est donc une grande source d’angoisse pour nous, au point d’en perdre le sommeil et l’appétit pendant des jours.
Boston King et sa femme, Violet, ainsi que 3 000 autres loyalistes noirs parviennent cependant à faire inscrire leur nom dans le Livre des Noirs, un prérequis pour obtenir l’autorisation de se rendre en Nouvelle-Écosse.
Dans une certaine mesure, ils doivent cette occasion de liberté à la loyauté obstinée de Sir Guy Carleton, commandant en chef britannique lors des derniers jours de la guerre. Comme l’écrit l’historien James W. St. G. Walker de l’Université de Waterloo, Carleton comprend du traité de paix que les Noirs qui avaient servi les tuniques rouges pendant un an étaient techniquement libres, et ne pouvaient donc pas être considérés comme la « propriété » des Américains. Ils étaient libres de partir avec les Britanniques.
Sous le regard consterné de George Washington, Carleton ordonne à ses officiers d’inspecter tous les Noirs qui souhaitent quitter New York et, surtout, d’enregistrer ceux ont prouvé leur loyauté envers les Britanniques dans le Livre des Noirs. Carleton explique à Washington que les Britanniques conserveront un registre des Noirs qui quittent New York, et garde sa promesse en tenant méticuleusement le registre à jour.
Le document nous donne non seulement le nom et l’âge de toute personne de race noire ayant quitté New York sous la protection des Britanniques, mais contient également une description de chaque personne, de l’information sur les moyens de sa fuite, sur son dossier militaire, les noms de leurs anciens maîtres et ceux de leurs maîtres actuels, pour ceux qui étaient encore esclaves ou domestiques.
Voici un petit extrait de la liste des passagers du navire L’Abondance, en date du 31 juillet 1783, en route vers Port Roseway (Shelburne), en Nouvelle‑Écosse (« GBC » désigne le certificat du brigadier général Samuel Birch, qui était une preuve de service au sein de l’armée britannique pendant la Guerre d’indépendance américaine).
John Green, 35 ans, homme de bonne stature. Appartenait anciennement à Ralph Faulker de Petersburgh, en Virginie; a quitté son maître il y a quatre ans. GBC.
David Shepherd, 15 ans, fils probable. Appartenait anciennement à William Shepherd, Nancy Mun, Virginie; a quitté son maître il y a quatre ans. GBC.
Rose Bond, 21 ans, femme de bonne stature. Appartenait anciennement à Andrew Steward de Crane Island, Virginie; a quitté son maître il y a quatre ans. GBC.
Dick Bond, 18 mois, enfant probable. Fille de Rose Bond et née au sein des lignes britanniques. GBC.
Le Livre des Noirs indiquait également le nom du navire sur lequel voyageaient ces fugitifs, sa destination et sa date de départ :
[TRADUCTION] Nous avons inspecté minutieusement les navires mentionnés le 31 juillet 1783 et… à bord des dits navires, nous avons trouvé les nègres figurant dans la liste suivante totalisant cent quarante hommes, cent treize femmes et quatre-vingt-douze enfants… et nous avons remis au maître de chaque navire une liste certifiée des nègres à bord du navire et les avons informé qu’il ne serait pas autorisé à débarquer en Nouvelle-Écosse tout autre nègre que ceux figurant sur la liste et que si d’autres nègres sont trouvés à bord de son navire, il serait sévèrement puni...
Pour avoir le droit de prendre place à bord d’un navire et trouver refuge hors des treize colonies et dans un nouveau pays dont ils contribueraient à l’établissement, les Noirs devaient prouver qu’ils avaient servi dans l’armée britannique pendant au moins un an. Bon nombre d’entre eux ont obtenu un certificat attestant leurs états de service. Mais de nombreux autres qui ne possédaient pas de tels documents furent tout de même inscrits dans le Livre des Noirs et autorisés à prendre la mer.
Mais finalement, sous le regard frustré des officiers de l’armée américaine, 1 336 hommes, 914 femmes et 750 enfants prennent place à bord de plus de deux cents navires amarrés dans le port de New York. Certains des loyalistes noirs se rendent au Québec, en Angleterre ou en Allemagne, mais la plupart débarquent en Nouvelle-Écosse, formant des communautés qui existent encore aujourd’hui, comme Shelburne, Annapolis Royal, Digby, Sydney, Halifax, et ses régions avoisinantes.
Même si de nombreux Néo-Écossais retracent des loyalistes noirs parmi leurs ancêtres, ces premiers réfugiés noirs n’eurent pas la vie facile. Certains n’obtinrent jamais les terres qu’on leur avait promises en échange de leur service pour les Britanniques, mais pire, bon nombre d’entre eux furent traités de façon cruelle à leur arrivée, faisant face à la ségrégation ou risquant la pendaison. Ils connurent même la première émeute raciale en Amérique du Nord (des soldats blancs démobilisés chassèrent les Noirs de leurs maisons de Birchtown, près de Shelburne, afin de voler leur emploi).
On comprend donc que plus de mille loyalistes noirs décidèrent d’émigrer à nouveau, une décennie plus tard. S’embarquant à bord d’une flottille de quinze navires dans le port de Halifax, ils marquèrent le début du premier exode de « retour vers l’Afrique » dans l’histoire des Amériques, croisant littéralement des bateaux remplis d’esclaves lors de leur traversée de l’océan Atlantique, en route vers leur nouvelle colonie, au Sierra Leone. Ce voyage est également très minutieusement documenté, mais il fera l’objet d’un autre récit.
Le Livre des Noirs est un trésor national et mérite d’être considéré comme tel. Les Archives de la Nouvelle-Écosse, le Musée de la Nouvelle-Écosse, les archives publiques du Canada et la Black Loyalist Heritage Society ont tous contribué à documenter le Livre des Noirs. Comme tout autre document historique d’importance, l’information qu’il contient est trop riche pour être analysée en une seule séance. En effet, on y trouve des échos de la relation difficile entre la Grande-Bretagne et les nouveaux États-Unis, et le livre contribue à renforcer tout en détruisant la notion romantique selon laquelle le Canada était une terre promise pour les esclaves noirs. Bon nombre des personnes figurant dans le livre ont pris la mer de leur propre chef et libres, en présumant que leur nouvelle liberté serait protégée au Canada. Mais d’autres Noirs arrivèrent au Canada en tant que propriété, esclaves ou domestiques, de loyalistes de l’Empire Uni. Pour eux, l’arrivée au Canada ne faisait que perpétuer leur statut d’esclave.
À l’intérieur du Livre des Noirs
Il y a une version britannique et américaine du Livre des Noirs. La version britannique représentée ici, qui semble être la version originale, est écrite à l’encre dans un grand cahier d’environ 156 pages. Pour chaque personne inscrite dans le livre, les détails sont présentés horizontalement sur deux pages se faisant face, comme les pages 37 et 38 figurant ici. On compte neuf colonnes pour saisir l’information, mais elles ne sont pas toutes remplies pour chaque personne figurant dans le livre. On y indique notamment le nom du navire sur lequel les loyalistes noirs sont arrivés, sa destination, le nom des passagers, leur âge et leur description. Aujourd’hui, ces descriptions paraîtraient un peu trop honnêtes. On peut y lire notamment les qualificatifs peu flatteurs suivants : « vie active presque terminée »; « fort, massif avec petit enfant » et « petit et usé ». Il existe également des colonnes pour indiquer le nom et lieu de résidence des « ayant droit », un euphémisme pour désigner les propriétaires d’esclaves, ainsi que pour préciser le « nom des personnes de qui ils sont la propriété », soit les personnes ayant des domestiques noirs. Enfin, la deuxième page de chaque entrée contient des « remarques », ou des détails personnels sur les passagers. — L.H.
La fin (législative) de l’esclavagisme
Adoptée il y a plus de 200 ans, la Slave Trade Act portait le nom officiel de « Loi pour l’abolition du commerce des esclaves ». La loi visait à interdire ce commerce, initié environ 250 ans plus tôt, dans tout l’Empire britannique, sous le règne d’Élizabeth I. Un groupe s’opposant au commerce des esclaves, formé de protestants et de quakers évangélistes, défend la Loi. Les quakers considéraient depuis longtemps l’esclavagisme immoral. Les groupes contre l’esclavagisme comptent un grand nombre de sympathisants au Parlement anglais en 1807. Surnommée les « saints », cette alliance est dirigée par le parlementaire William Wilberforce, le plus dévoué du groupe. Wilberforce et Charles Fox dirigent leur campagne à la Chambre des communes, alors que Lord Grenville a pour mandat de convaincre la Chambre des Lords.
Grenville prononce un discours enflammé où il avance que le commerce des esclaves est contraire aux principes de justice, d’humanisme et de saine gouvernance, et critique ses collègues qui ne font rien pour l’abolir. Ils organisent un vote et la loi est adoptée à la Chambre des Lords, à 41 contre 20, et ensuite présentée à la Chambre des communes, où elle est adoptée à 114 contre 15, pour être enfin proclamée, le 25 mars 1807. Mais il faudra encore 25 ans avant que l’esclavage devienne illégal, soit en 1833, lorsque le Parlement adoptera la Slavery Abolition Act (loi sur l’abolition de l’esclavage).
Les Britanniques s’attachent alors à convaincre d’autres nations d’abolir le commerce des esclaves, en partie pour empêcher ces pays de jouir des avantages économiques que leur procurerait l’esclavage. La campagne britannique constitue une initiative de politique étrangère à grande échelle. Il faudra des décennies pour convaincre certaines nations d’abandonner ce commerce. Le Danemark et les États-Unis sont les derniers à y mettre fin, vers 1850. Quelques petites nations, comme la Suède et la Hollande, qui ont peu à perdre, cessent de le pratiquer beaucoup plus tôt.
Après l’adoption de la Slave Trade Act en 1807, les capitaines britanniques pris à transporter des esclaves se voient imposer une amende de 100£ pour chaque personne trouvée à bord. Cependant, le commerce des esclaves se poursuit, mais de façon plus sournoise. Les capitaines des bateaux négriers risquant d’être capturés par la marine britannique lancent par-dessus bord certains de leurs passagers illégaux afin de réduire l’amende de 100£ par personne.
Le Livre des Noirs se trouve aux Archives de la Nouvelle-Écosse, aux archives nationales des États-Unis et aux Archives nationales (documents publics) à Kew, en Angleterre. On peut également le trouver en ligne à Bibliothèque et Archives Canada.
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