Transcription Anne Marguet

ANNE MARGUET : Bonjour à tous et à toutes. Comme je viens d'être présentée, je suis Anne Marguet — Coordonnatrice Éducation — au Musée de l'Holocauste Montréal.

J'aimerais vraiment remercier, tout d'abord, Histoire Canada de nous convier pour ce forum, mais aussi James et David qui ont pris la parole avant moi. Vous allez voir qu'on va être certainement très complémentaires dans l'approche sur la pensée historique que James a d'abord présentée et ensuite les conseils que David a donnés pour enseigner et parler du génocide des Autochtones.

Vous allez voir qu'on retrouve les mêmes conseils pour aborder l’Holocauste. Avant de commencer, j'aimerais tout d'abord reconnaître que le Musée de l'Holocauste Montréal, où je me trouve aujourd'hui, est situé en territoire autochtone lequel n'a jamais été cédé. Je reconnais la nation Kanien'kehá:ka comme gardienne des terres et des eaux sur lesquels je vous rencontre aujourd'hui. Tiohtià:ke, ou Montréal, est historiquement connu comme un lieu de rassemblement pour de nombreux premiers peuples, et aujourd'hui, une population autochtone diversifiée ainsi que d'autres peuples y résident.

C'est donc dans le respect des liens avec le passé, le présent et l'avenir que je reconnais les relations continues entre les peuples autochtones et les autres personnes de la communauté montréalaise, québécoise et canadienne. Pourquoi cette reconnaissance est-elle importante pour nous au Musée de l’Holocauste Montréal ?

En tant qu'institution dédiée à l'éducation sur l’Holocauste, nous avons pour mission d'informer et sensibiliser les personnes sur l’Holocauste, mais aussi sur les autres génocides. Participer à la reconnaissance des génocides favorise la reconstruction à la fois des survivants / survivantes et des communautés.

Cette reconnaissance de territoire s'inscrit donc dans ce cadre. En lien avec le thème proposé aujourd'hui par Histoire Canada, Un passé ombrageux — aborder des sujets difficiles de l'histoire du Canada, je vous propose tout d'abord une brève présentation du Musée de l'Holocauste Montréal, son histoire, sa mission et son approche pour comprendre que ce musée oui est en lien avec une histoire qui semble d'abord concernée l'Europe et l'Afrique du Nord, mais aussi pour comprendre pourquoi ce musée est à Montréal et quels sont les liens avec l'histoire du Canada.

Ensuite, cela vous permettra et nous permettra de mieux comprendre comment nous proposons aux éducateurs et aux éducatrices d'aborder l'Holocauste dans leur classe avec des élèves. Tout d'abord, une brève présentation du Musée de l'Holocauste Montréal.

Le musée a été fondé en 1979 par des survivants et survivantes qui souhaitaient promouvoir l'éducation de l'Holocauste, combattre le négationnisme et créer un lieu de recueillement à la mémoire des 6 millions de Juifs assassinés durant l'Holocauste. Ces survivants et survivantes ont immigré au Canada après la Seconde Guerre mondiale.

Environ 35 000 à 40 000 survivants et survivantes sont venus au Canada après la Seconde Guerre mondiale. Depuis sa fondation, le musée s'est donné comme mission d'informer et sensibiliser les gens de tous âges et tous milieux sur l'Holocauste ainsi que sur l'antisémitisme, le racisme, la haine et l'indifférence.

Tous les documents, artéfacts et témoignages de nos collections proviennent donc en très grande majorité de dons faits par les survivants / survivantes et leurs descendants / descendantes. Notre exposition permanente présente un tout petit nombre des quelque 13 500 objets et 875 témoignages enregistrés dans la collection du musée.

Ici, vous pouvez voir l’un de nos objets phares, le Cœur d’Auschwitz, qui témoigne de la résistance des Juifs et des Juives durant l'Holocauste. À travers ces différents artéfacts et extraits de témoignages, notre exposition permanente raconte la vie des communautés juives avant, pendant et après l'Holocauste.

Grâce aux histoires des survivants et survivantes montréalais, l'expérience canadienne est donc mise de l'avant tout au long de la visite. Découvrir l'expérience vécue par ces différentes personnes et communautés avant, pendant et après l'Holocauste permet tout d'abord de comprendre le contexte dans lequel l'Holocauste s'est déroulé.

Cela permet ensuite de ne pas présenter les juifs comme des victimes seulement, mais de réhumaniser ces personnes, de présenter les vies qui ont été détruites, mais aussi de présenter la richesse culturelle que les nazis ont cherché à annihiler. Enfin, cette approche permet aussi de présenter une diversité d'expériences selon l'origine, l'âge ou le parcours des populations juives durant l'Holocauste.

Ainsi, par son exposition permanente, ses programmes commémoratifs et ses initiatives éducatives, le musée fait la promotion de notre responsabilité collective à l'égard du respect de la diversité et du caractère sacré de toute vie humaine. Pourquoi insistons-nous toujours sur cette présentation du musée ?

Car cette présentation permet de comprendre aussi notre approche éducative. C’est pourquoi toutes les ressources éducatives et pédagogiques que nous proposons reflètent l'histoire, la mission et l'approche du musée. Cette approche apparaît clairement dans nos onze conseils pour enseigner l'Holocauste que vous pourrez trouver gratuitement dans la section « éducation » de notre site Web, et vous pouvez retrouver ces onze conseils en français, et en anglais, puisque toutes nos ressources sont bilingues.

Vous allez voir que parmi ces onze conseils, vous allez retrouver un grand nombre de conseils dont David a déjà parlé pour enseigner le génocide et aborder le génocide des Autochtones aussi. Ces onze conseils peuvent être regroupés en trois grands thèmes que je vous propose ici. Donc le premier grand thème, qui a été bien précisé aussi par James dans sa présentation, et par David aussi.

C'est de replacer les événements dans leur contexte. Donc, d'être très précis sur le sujet dont on parle, sur les termes employés — donc la terminologie, le vocabulaire utilisé — sur les événements pour ne pas simplifier l'histoire dont on parle puisque l'histoire de l'Holocauste, comme l'histoire des génocides, est une histoire en général complexe. Donc, il s'agit d'abord et avant tout d'apprendre sur l'Holocauste.

Deuxième grand thème qu'on retrouve dans ces onze conseils. C'est de mettre de l'avant les sources primaires. Les sources primaires sont la base du travail des historiens, mais c'est aussi — vous allez le voir — la base de toutes nos ressources pédagogiques. Ces sources primaires permettent en les analysant de comprendre le contexte, mais aussi de réhumaniser les victimes, c'est-à-dire d'entendre leur voix comme David l’a bien souligné auparavant.

Il s'agit aussi de comprendre la diversité des expériences et enfin de travailler l'empathie historique. L'empathie historique peut être, à la différence de l'empathie pour l'actualité, ce n'est pas de forcément de se mettre à la place de la personne puisque nous ne pouvons pas être à la place de la personne qui a vécu quelque chose dans un contexte très particulier, mais c'est de comprendre comment, dans ce contexte particulier, des personnes ont pu agir différemment et quelle est la complexité des actions et des réactions aussi.

Ainsi, il est important, en même temps, de réfléchir aux sources que l'on utilise et que l'on partage en classe. Comme l’a bien dit David aussi, des sources adaptées à la sensibilité et à la diversité des âges des élèves, mais aussi des sources pour lesquelles on réfléchit à qui sont les auteurs. Un exemple concret en ce qui concerne l'Holocauste. Pendant longtemps, on a choisi d'utiliser et de faire appel à ce qu'on a appelé la pédagogie du choc — c'est-à-dire des images-chocs, des images violentes, et souvent malheureusement, des images prises par les nazis eux-mêmes qui avaient pour but de déshumaniser leurs victimes.

Donc, vous allez le voir. Je vais présenter deux exemples. Au Musée de l'Holocauste Montréal, on met l'accent sur des sources primaires qui proviennent des survivants / survivantes de l'Holocauste et dont le but est à l'inverse de réhumaniser les personnes et de développer l'empathie historique.

Enfin, le troisième grand thème des conseils, comme déjà David et James l'ont souligné, c'est de tirer des leçons de l'Holocauste — peut-être c'est plus clair en anglais : To learn from the holocauste — donc ensuite de réfléchir en tant que citoyen, de faire réfléchir si vous êtes éducateur, les élèves. Comment peuvent-ils s'engager pour agir aujourd'hui ?

Puisque même si l'Holocauste peut sembler un sujet passé, ça concerne directement l'actualité. Donc, je vais vous donner quelques exemples concrets de la manière dont on aborde ces conseils au Musée de l'Holocauste et le premier exemple concret c'est donc le contexte. Il est bien important de savoir de quoi l'on parle pour pouvoir l'enseigner avec plus de sérénité.

Un exemple tout simple au musée, pour chacun de nos programmes éducatifs, ou la visite du musée tout simplement, nous commençons par une définition de l'Holocauste en posant les questions toutes simples : De quoi il s'agit ? Qui est impliqué ? Où ça se passe ? Et, quand ça se passe ? Voici la définition que nous utilisons au musée pour ce qui concerne l'Holocauste. Donc l'Holocauste c'est la persécution et l'assassinat systématique de 6 millions de Juifs par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs.

L'Holocauste s'est déroulé en Europe et en Afrique du Nord, entre 1933 et 1945. Donc, simplement par cette définition, vous pouvez voir qu'on met déjà l'accent sur les termes « persécution » et « assassinat systématique » et que nous n'utilisons pas au Musée de l'Holocauste le terme « d'extermination ». Pourquoi ? Tout simplement parce que ce terme était le terme employé par les nazis eux-mêmes et c'était un terme utilisé pour déshumaniser les victimes.

Deuxième élément important : nous mettons l'accent sur les bourreaux. Vous voyez que le nom de Hitler n'est pas nommé. Bien sûr, il est central à l'Holocauste, mais nous insistons dans notre définition pour nommer l'Allemagne nazie et les collaborateurs pour bien comprendre que Hitler n'a pas été seul et que c'est toute une structure, tout un régime mis en place, la toute une idéologie — l'Allemagne nazie — et que l'Allemagne nazie a été aidée par des personnes, des organismes et d'autres États qui ont collaboré pour aider à l'assassinat de 6 millions de Juifs. Enfin, on insiste sur le lieu — l'Europe et l'Afrique du Nord — et sur les dates — 1933 et 1945 — pour bien faire le lien avec le régime nazi et ne pas limiter l'Holocauste à la Seconde Guerre mondiale.

En plus de commettre l'Holocauste, le régime nazi a persécuté des millions de gens en fonction de leurs différences. Les nazis ont commis un génocide sur les Roms et les Sintis. D'autres groupes ont été persécutés comme les personnes considérées par les nazis handicapés mentaux et physiques, les homosexuels et les personnes racisées et minorisées comme les Afrodescendants, de même que les opposants politiques et religieux du régime. Donc, des millions d'autres personnes ont aussi été exécutées.

Pour vous accompagner, et aider les éducateurs dans ce contexte — maîtriser ce contexte — nous offrons un grand nombre de ressources gratuites, disponibles et téléchargeables sur notre site Web, dans les deux langues : l'anglais et le français. Vous trouverez notre guide « Brève histoire de l'Holocauste » pour le contexte historique, les étapes et la chronologie. Il peut être complété par notre autre guide « Brève histoire de l'antisémitisme au Canada ».

C'est une caractéristique du musée, vous l'avez peut-être compris, nous proposons toujours un dialogue entre l'histoire de l'Holocauste en Europe et en Afrique du Nord et comment le Canada et la société canadienne ont agi et réagi face à l'Holocauste. Ce dialogue est important, car cela permet de comprendre que c'est aussi notre histoire et que ça nous concerne pour le passé, mais aussi pour agir aujourd'hui (on va le voir un peu plus loin). Vous pouvez aussi vous appuyer sur notre page « Histoire de l'Holocauste » qui propose des cartes et des frises interactives, à nouveau ce dialogue entre l'Europe et le Canada.

Par exemple, ici, vous voyez la carte interactive « Guerre, persécutions et massacres » qui montre les étapes des conquêtes de l'Allemagne nazie et les débuts des assassinats systématiques. Pour l'autre exemple, vous voyez notre frise chronologique « Le monde répond, peu de gestes » avec un exemple concret du Canada et du SS Saint-Louis, donc un navire qui, en 1939, a quitté le port de Hambourg en Allemagne avec près de 1 000 passagers juifs en route pour Cuba. Ceux-ci étaient munis de visas cubains, mais on leur a interdit de débarquer à La Havane.

Ensuite, les États-Unis, et le Canada leur ont aussi refusé l'asile. De retour en Europe, quatre pays vont finalement accepter ces réfugiés : le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas et la France. Sur ces quatre pays, trois tomberont bientôt aux mains des nazis. Ainsi, ça montre combien la politique canadienne en termes d'immigration et de réfugiés a eu des conséquences directes sur les populations juives d'Europe et d'Afrique du Nord, durant l'Holocauste.

Deuxième élément important dans notre approche pédagogique, c'est d'utiliser des sources primaires — que ce soit des documents, photographies, objets ou aussi des témoignages — donc encore une fois essentielles pour entendre ces histoires et réhumaniser les victimes (pour ne pas se contenter de les résumer à des statistiques et pour comprendre la diversité des expériences vécues).

Donc, vous pouvez trouver, toujours sur notre site Web, un grand nombre de ces sources primaires dans la section « collections » du site. Pour aider les enseignants / enseignantes, dans la section « éducation » vous pouvez aussi trouver des fiches d'analyse qui peuvent vous aider à accompagner les élèves à analyser les sources primaires. J'ai choisi deux exemples de sources primaires pour vous montrer comment l’on peut permettre aux élèves de comprendre ce qui s'est passé, mais aussi le lien avec l'histoire du Canada.

Le premier exemple, ce sont ces cartes d'identité qui ont appartenu à Marie-Louise et Karl Cahn. Ces cartes d'identité ont été réalisées pendant l'Allemagne nazie, en 1939. Elles témoignent des politiques discriminatoires et des persécutions contre les Juifs, d'abord avec l'imposition d’un « J » rouge, à la demande de la Suisse, pour identifier les Juifs sur les cartes d'identité, ensuite avec l'imposition d'un deuxième prénom par les nazis pour les Juifs allemands dont le nom n'était pas suffisamment « juif », selon les nazis.

Donc Marie-Louise, lui a été imposé le prénom Sarah, et Karl, lui a été imposé le prénom Israël. Comment avons-nous ces papiers d'identité au Musée de l’Holocauste Montréal ? Et bien, c'est que Marie-Louise et Karl Cahn, qui étaient des Juifs qui résidaient à Francfort en Allemagne, ont d'abord subi ces persécutions, ensuite Karl a été arrêté et interné en camp de concentration après le pogrom des 9 et 10 novembre 1938, en Allemagne.

Et à ce moment-là, sa mère et sa femme Marie-Louise vont contacter leurs connaissances à Montréal. Vous les connaissez peut-être ? C’est la famille Birks qui possède toujours la bijouterie à Montréal. Monsieur Birks, qui avait des contacts directs avec le ministère des Ressources naturelles, va réussir à obtenir des visas pour la famille Cahn.

Ainsi, Marie-Louise, Karl, sa mère et leurs deux enfants vont pouvoir venir au Canada grâce à ces visas. Cet exemple est une exception, car il faut savoir que la politique migratoire du Canada à cette époque était très restrictive et que seuls entre 4 000 et 5 000 Juifs ont pu se réfugier au Canada pendant l'Holocauste. Je vais partager un deuxième extrait et je vais être obligé de raccourcir un peu. Vous allez cette fois-ci découvrir l'histoire de Edgar Lion ici aussi au Canada.

Après cette petite introduction, vous allez entendre Edgar vous raconter son histoire. Je vais interrompe Edgar Lion pour respecter le temps. Comme vous l'avez compris, le Canada a reçu des réfugiés juifs allemands et autrichiens, mais pas en tant que réfugiés, mais plutôt en tant qu'ennemis étrangers, d'où le fait qu'ils se sont retrouvés, pendant un temps, internés au Canada, dans des camps d’internement.

Si vous souhaitez aborder l'Holocauste en classe, sachez que toutes nos activités pédagogiques sont disponibles gratuitement sur notre site Internet. Elles sont toutes construites autour de l'utilisation de sources primaires, objets et autres témoignages. Pour terminer — je sais que j'ai un peu dépassé le temps déjà — le troisième élément important de nos conseils, c'est de tirer des leçons de l'Holocauste.

Enseigner l'Holocauste permet de former des citoyens capables de mieux comprendre les enjeux du monde actuel — et je crois que David en a bien parlé auparavant par exemple avec le lien du génocide des Autochtones — mais aussi de comprendre et de réfléchir à comment s'engager dans le monde actuel. Donc, vous avez un certain nombre de nos outils qui sont basés sur l'approche comparative entre les génocides entre autres, pour réfléchir aux enjeux de discrimination d'une part, et puis aussi pour réfléchir à comment agir.

Le dernier guide pour lequel on a travaillé propose l'approche comparative autour de neuf génocides, dont le génocide des Autochtones au Canada et les écoles résidentielles. C'est un outil qui peut être utilisé par un grand nombre d'entre vous. Il va être très très bientôt traduit en anglais et disponible donc en anglais.

Enfin, pour terminer un peu sur un message d'engagement, mais aussi d'espoir, sachez que toutes nos activités pédagogiques se terminent avec des suggestions pour un appel à l'action des élèves et aussi pour transmettre des messages d'espoir, de solidarité entre les personnes et d'ouverture à la tolérance.

Donc voilà, si vous voulez retrouver d'autres ressources, n'hésitez pas à vous inscrire à notre bulletin. Même chose en allant sur notre site Internet et en nous suivant sur les réseaux sociaux.

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