Francophones et bâtisseurs
Les nations fondatrices du Canada — britannique, française, amérindienne et inuit — ont joué en parts égales un rôle déterminant dans l’histoire du Canada. L’impact de ces peuples est certes inégalement documenté, mais chacun d’entre nous sait que sans une seule de ces nations à la base de notre pays, le Canada serait complètement différent de la collectivité multiculturelle qui nous rend si uniques à travers le monde. Terre d’accueil, souvent d’opposition, mais surtout de collaboration, notre fédération se démarque par son ouverture d’esprit à l’autre. Tout au long de son histoire, certaines personnes se sont démarquées par leur avant-gardisme, leur courage et leur désir de faire du Canada un endroit égalitaire, où les cultures se rencontrent et se comprennent. Pour rendre honneur à ces hommes et ces femmes qui ont tout tenté pour faire de leur monde un meilleur endroit où vivre, des milliers de personnes devraient être présentées.
La visée de cet article était beaucoup plus modeste, nous avons concentré nos efforts à dresser une liste des Canadiens-français les plus marquants de l’histoire du pays, ce qui a mené à des choix déchirants, mais nécessaires. Ces francophones, qu’ils soient d’ascendance européenne ou autochtone, ont œuvré sans relâche pour bâtir ce qu’ils jugeaient être le meilleur Canada qui soit. Leurs efforts ont mené à des changements durables dans la société et la culture canadiennes de leur époque, changements qui résonnent encore aujourd’hui, dans le Canada du 21e siècle. Les grands Canadiens-français n’appartiennent pas tous au passé. Ils ont une place essentielle dans le présent et l’avenir de notre pays, tout comme les Canadiens-anglais, les Amérindiens, les Inuits et toutes les autres nations qui sont venues enrichir notre culture aux multiples facettes.
Jeanne Mance
Infirmière et fondatrice de l'Hôtel-Dieu
Née en 1606 dans la bourgeoisie de Langres, au nord-ouest de la France, Jeanne Mance est la cofondatrice de Montréal avec Paul de Chomedey de Maisonneuve et Madeleine de Chauvigny de la Peltrie, et la fondatrice de l’Hôtel-Dieu de Montréal. Éduquée chez les Ursulines, puis probablement garde-malade dans un hôpital de sa ville natale, Mance entend parler en 1640 de nouvelles fondations féminines en Nouvelle-France, soit les Ursulines et les Augustines de Québec. Elle trouve du financement chez Angélique Bullion, importante, mais anonyme bienfaitrice de la Nouvelle-France. Jeanne Mance se rend ensuite à La Rochelle pour y affréter un navire, et y rencontre Maisonneuve. Deux vaisseaux partent vers la colonie française en mai 1641. Après un voyage sans encombre, le navire où se tient Jeanne accoste à Québec. Les futurs fondateurs de Montréal passent l’hiver à Sillery, où Mme de la Peltrie décide de se joindre à la mission. En mai 1642, le groupe arrive à Montréal. Les décennies suivantes apportent maints défis à la future métropole : guerre avec les Iroquois, désertion des appuis envers Montréal et rappel de Maisonneuve en France. Heureusement, la situation rentre dans l’ordre en 1662 lorsque les Prêtres de Saint-Sulpice prennent Montréal en main. Par sa persévérance et son dévouement envers Montréal, Jeanne Mance a donné le coup d’envoi à cette ville qui sera la plus importante au Canada entre 1880 et 1950. Son courage hors du commun a fait d’elle un exemple suivi par nombre de Canadiennes dans l’histoire.
Alphonse Desjardins
Cofondateur des Caisses Populaires Desjardins
Né à Lévis en 1854, Alphonse Desjardins est le pionnier des coopératives de crédit en Amérique du Nord. Huitième enfant d’une famille modeste, Desjardins se distingue dans le cours commercial au Collège de Lévis, avant d’occuper plusieurs emplois dans l’armée, comme journaliste, puis comme sténographe à la Chambre des communes fédérale. Il siège également au conseil de la Chambre de commerce de Lévis pendant 13 ans. Scandalisé par les révélations faites par le député Michel Quinn à propos des prêts usuraires qui sévissent au pays, il entreprend d’établir la première coopérative de crédit du continent américain. Inspiré par plusieurs modèles économiques européens, le visionnaire fonde Caisses Desjardins en 1900 et inverse la tendance bancaire de l’époque en offrant à la classe populaire des moyens d’obtenir du crédit et de faire fructifier du capital. Malgré un blocage du Sénat canadien, Desjardins obtient du gouvernement du Québec une structure juridique essentielle à l’essor de l’entreprise. Puis, appuyé par le clergé catholique et par des nationalistes tels Henri Bourassa, il voyage pour ouvrir des Caisses. Entre 1907 et 1915, une centaine d’établissements sont ouverts au Québec, dans l’Ontario francophone et dans les paroisses franco-américaines. À partir de 1914, la maladie l’oblige à ralentir ses activités. Enfin, le 31 octobre 1920, alors que 219 caisses populaires sont en activité, Alphonse Desjardins s’éteint après avoir semé sur son parcours les graines de l’une des plus importantes institutions canadiennes.
George-Étienne Cartier
Père de la Confédération
George-Etienne Cartier est connu comme l’un des Pères de la Confédération canadienne. Ses idéaux d’un Canada regroupant les nations britannique et française ont été la base de la création de notre pays moderne. Cartier nait en 1814 à Saint-Antoine-sur-Richelieu dans une famille marchande et étudie le droit au Collège de Montréal, avant d’être admis au Barreau. Militant pour les droits de la minorité francophone dans la colonie britannique qui allait devenir le Canada, l’avocat participe aux Rébellions de 1837 du côté des patriotes, avant de s’exiler au Vermont. De retour au pays l’année suivante, Cartier s’implique davantage dans le monde politique en devenant le bras droit de Louis-Hippolyte La Fontaine. Elu à Verchères, il devient ensuite premier ministre du Canada-Uni avec John A. Macdonald, ce qui lance les préparatifs vers une fédération des colonies britanniques. Les conférences de Charlottetown, Québec et Londres mettent Cartier à l’avant-plan, où l’avocat convainc l’assemblée de faire du Canada une fédération de provinces telles que l’on connaît le pays aujourd’hui. Il persuade également les Canadiens français qu’une telle union serait plus favorable à la cause franco-catholique qu’une alliance avec les Etats-Unis. Une fois la Confédération prononcée, Cartier joue un rôle capital dans le ralliement du Manitoba et de la Colombie-Britannique au nouveau pays. L’homme politique permet également le rapatriement des Territoires du Nord-Ouest et de la Terre de Rupert après d’intenses négociations à Londres. Pour permettre une liaison efficace entre le centre politique qu’est Ottawa et le reste de la fédération, Cartier utilise son influence pour que soit construit un chemin de fer transcontinental. Après une courte maladie, George-Etienne Cartier, cet artisan de la Confédération canadienne et promoteur de l’union des nations française et britannique du Canada, décède en 1873.
Louis Riel
Chef métis et père du Manitoba
Célèbre chef métis, Louis Riel a été le premier véritable militant pour un Canada incluant à la fois les Britanniques, les Canadiens-français, les Amérindiens et les Métis. Il a forcé les Canadiens à réfléchir sur l’identité canadienne et sur l’importance de l’union des peuples au sein de la Confédération. Né à la Rivière-Rouge (Winnipeg) en 1844, Riel est sensibilisé par son père à la cause des Métis, qui subissent la voracité de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Après des études à Montréal, Riel revient dans sa région natale et milite sans relâche pour que le Manitoba soit intégré à la fédération canadienne en tant que province, et non en tant que territoire, ce qui aurait pu compromettre les droits des Autochtones dans l’Ouest. Suite aux moyens de pression utilisés par Riel, le Métis doit s’exiler aux Etats-Unis pendant dix ans. À son retour, réclamé par les Métis lorsque le gouvernement fédéral refuse de leur garantir la propriété de leurs terres, Louis Riel organise une résistance en s’alliant aux Autochtones et en formant un gouvernement provisoire. Ce faisant, Riel souhaitait obtenir des concessions, même de force. Le gouvernement répond en envoyant la police montée, et un affrontement éclate à Beardy’s reserve. Les troupes fédérales eurent le dessus et, après s’être retranché à Batoche, son quartier général, le Métis se rend dans l’espoir que son procès lui permette d’exposer ses idées sans propagande gouvernementale. Malgré un discours enflammé, Riel est condamné à mort et pendu le 16 novembre 1885. Sa mort ne cause pas la fin de son influence, loin de là. Les réflexions causées par la résistance et le courage de Riel ont modifié à jamais la nation canadienne. Son nom résonne encore aujourd’hui comme celui d’un visionnaire, qui concevait le Canada de manière multiculturelle, un avant-gardisme exceptionnel pour son époque.
Marie Guyart de l’incarnation
Fondatrice de l’ordre des Ursulines
Marie Guyart de l’Incarnation, religieuse ursuline, est la fondatrice de la première école pour filles en Amérique du Nord. Née à Tours en France, en 1599, elle se marie à Claude Martin, duquel elle met au monde un fils du même nom. Après la mort de son mari, Marie administre l’entreprise de son beau-frère, avant d’entrer dans les ordres en 1631. Peu de temps après, l’ursuline voit lors d’un rêve le dessein que lui réserve Dieu : fonder une école pour les Amérindiennes en Nouvelle-France. Avec l’aide et en compagnie de Madeleine de Chauvi-gny de la Peltrie, Marie et deux autres ursulines traversent l’Atlantique pour fonder le premier établissement d’enseignement pour filles en Amérique du Nord. Trois hospitalières, qui vont fonder le premier hôpital en Amérique du Nord, et plusieurs jésuites sont également du voyage. Le 2 août 1639, soit le lendemain de leur arrivée à Québec, les ursulines enseignent déjà aux fillettes tant autochtones que françaises. En quelques années, Marie de l’Incarnation maîtrise quatre langues amérindiennes, écrit plusieurs dictionnaires et enseigne tant aux enfants qu’aux adultes, en plus de diriger la communauté à travers la reconstruction du monastère, qui avait été détruit par le feu en 1650. Son apport à la société du « Pays de Canada » est indéniable, car, en compagnie des hospitalières, les ursulines ont offert à la Nouvelle-France des institutions essentielles à la viabilité d’une colonie à long terme. Marie Guyart de l’Incarnation décède en 1672, laissant à ses successeures une mission d’éducation qui se poursuit encore aujourd’hui.
Wilfrid Laurier
Premier premier ministre francophone
Wilfrid Laurier, le premier premier ministre francophone du Canada, est un des plus ardents défenseurs du caractère multiculturel du Canada. Né en 1841 à Saint-Lin, dans les Laurentides, Laurier a reçu une éducation dans les deux langues officielles, avant d’étudier le droit à McGill. En 1871, il devient député à l’Assemblée nationale du Québec, mais démissionne pour se présenter aux élections fédérales de 1874, où il remporte la victoire dans sa circonscription. Alors que l’Affaire Riel divisait les Canadiens, le député défend le métis et tente de concilier les différences de points de vue dans une idée d’unité canadienne. Sa vision le porte à la tête du Parti Libéral, puis du Canada en 1896. Malgré un désir que le Canada soit indépendant dans ses décisions, l’impérialisme l’emporta, et le Canada entre dans la Guerre des Boers en tant que dominion britannique, mais en n’envoyant que des volontaires. Cependant, jusqu’à sa défaite aux élections de 1911, le premier ministre résiste à la force de l’Empire en prenant des décisions autonomes, dont la fondation de la Saskatchewan et de l’Alberta, en 1905. L’essor économique de l’Ouest canadien ainsi que l’établissement du chemin de fer sont parmi les plus grandes réussites de son gouvernement. En 1911, les libéraux sont défaits par les conservateurs de Robert Borden, principalement en raison d’une proposition de libre-échange avec les États-Unis qui avantageait les agriculteurs, mais nuisait aux hommes d’affaires. Cette réciprocité économique, très avant-gardiste pour l’époque sera finalement mise en place en 1988 par Brian Mulroney. La dernière intervention politique de Laurier fut de s’opposer à la conscription lors de la Première Guerre mondiale, qui nuisait à l’unité canadienne. Wilfrid Laurier décéda en 1919, léguant une idée d’un Canada uni dans ses nations fondatrices, idée aujourd’hui à la base même du Canada.
Jean Talon
Intendant de la Nouvelle-France
Par ses réformes de la Nouvelle-France, Jean Talon a été un élément déterminant dans le développement de la colonie française. Il naît en 1626 dans la Champagne française, et étudie chez les Jésuites de Paris. Sa carrière militaire débute en France dès 1653, puis en 1665, il est nommé Intendant du Canada, de l’Acadie et de Terre-Neuve par Louis XIV. Il s’agit du deuxième intendant de la colonie, mais le premier à se rendre au Nouveau-Monde et à s’impliquer réellement dans son essor. Peu après son arrivée en Nouvelle-France, Talon multiplie les réformes afin d’améliorer le sort des Canadiens. Il remet en place des tribunaux, dont il assume l’arbitrage lors de la transition. Puis, en diversifiant une économie jusqu’alors centrée sur les fourrures, il valorise l’agriculture, la manufacture, la pêche et la foresterie. Il organise un système de peuplement basé sur les soldats démobilisés et les Filles du Roy, ces orphelines auxquelles le roi offrait une dot pour aller se marier au Canada. Grâce à ces efforts démographiques, la population triple en quinze ans. Talon contribue également à la stabilisation du pays lors des guerres contre les Iroquois en veillant à l’approvisionnement adéquat des troupes. En novembre 1672, l’intendant retourne à la mère patrie pour des raisons de santé, et se voit récompensé de ses services par des charges honorifiques ainsi qu’un titre de noblesse. Tout au long de son mandat, Jean Talon a été un dirigeant à la fois soucieux de l’élite, mais également près du peuple, n’hésitant pas à se rendre en personne dans les chaumières lors des recensements pour s’enquérir des préoccupations des habitants. Son œuvre tant administrative que sociale a permis au Canada de connaître son premier âge d’or.
Louis Robichaud
Champion des Acadiens
Louis Robichaud a été premier ministre du Nouveau-Brunswick de 1960 à 1970. Pendant son mandat, il a été la source de changements majeurs dans la législation et la société néobrunswickoises. Né en 1925 dans le village de Saint-Antoine, Robichaud étudie à Bathurst et décide d’orienter sa carrière vers la politique plutôt que vers la prêtrise. Après avoir obtenu des diplômes de l’Université Sacré-Cœur de Bathurst et de l’Université Laval à Québec, le futur chef du gouvernement est élu, à 27 ans seulement, dans la circonscription de Kent. En 1958, il est porté à la tête du parti libéral, et, deux ans plus tard, il remporte les élections, devenant le premier premier ministre acadien élu de la province. Les années qui suivent font entrer le Nouveau-Brunswick dans une ère de renouveau social et politique à forte tendance progressiste. Le projet le plus ambitieux du nouveau Premier ministre est d’offrir aux Acadiens une opportunité de développement social et professionnel équivalent à ceux des anglophones de la province. Chances égales pour tous — tel est le nom du programme — a d’abord visé à centraliser l’administration régionale, l’éducation, la santé, l’assurance gouvernementale et la justice vers la province, ce qui a permis d’équilibrer la répartition des richesses sur le territoire du Nouveau-Brunswick. Puis, en fondant l’Université de Moncton, où le français est la langue première, et en ajoutant le français aux langues officielles, Robichaud donnait aux Acadiens une réelle opportunité de conserver et de promouvoir leur culture, en plus d’accroître le nombre d’Acadiens employés de l’État. Battu aux élections de 1970, Robichaud démissionne un an plus tard, avant d’être nommé sénateur en 1973, poste qu’il occupe jusqu’en 2000. À son décès en 2005, Louis Robichaud laisse derrière lui un héritage durable d’ouverture d’esprit et de tolérance exemplaire.
Louis-Joseph Papineau
Chef des patriotes et politicien
Louis-Joseph Papineau est un personnage hautement controversé. De héros, défenseur des droits des Canadiens-français, à traître à la nation et au Commonwealth, Papineau a eu une influence indéniable sur la politique canadienne de son époque et de la suivante. Né à Montréal en 1786, il a grandi dans la seigneurie familiale, puis a terminé ses études de droit au Petit Séminaire de Québec, mais ne pratique le droit que sporadiquement et se tourne rapidement vers la politique. Après avoir été élu à l’Assemblée du Bas-Canada, Papineau devient chef du Parti canadien, le futur Parti patriote. Il milite alors pour une plus grande autonomie du Bas-Canada, dominé par une minorité d’influents Britanniques. De politicien modéré, le chef se radicalise et bloque le processus politique du Bas-Canada en exigeant des réformes. Dès 1830, il attaque ouvertement les institutions impériales, spécialement le Conseil, dont les membres non élus contrôlent le pays. En 1834, le Parti canadien obtient une large majorité à l’Assemblée, et prépare une série de réformes, les 92 Résolutions, qui permettraient aux Canadiens-français d’obtenir le pouvoir au Bas-Canada à l’aide d’un gouvernement responsable, projet appuyé par le Gouverneur général de l’époque, Lord Durham. Le rejet univoque de ce plan par Londres soulève l’ire de la population canadienne-française, dont les éléments les plus radicaux prennent les armes. Mal organisée, la rébellion est réprimée, et Papineau s’exile aux États-Unis, puis en France après l’échec d’une seconde insurrection. Il reçoit l’amnistie en 1844, et revient au pays. Constatant que l’Acte d’Union avait affaibli encore davantage les Canadiens-français en politique, il s’oppose à la nouvelle entité qu’est le Canada-Uni, et réclame le gouvernement responsable, ce qui sera accordé en 1848. Il ira même jusqu’à prôner l’annexion du Canada-Est aux États-Unis. Papineau quitte la politique en 1854 et se retire dans sa seigneurie, où il décède en 1871.
Henri Bourassa
Rédacteur en chef et politicien
Henri Bourassa, né en 1868 à Montréal, a profondément marqué la politique canadienne par ses positions nationalistes qui ont un écho encore de nos jours. Au long de sa carrière tant en politique qu’en journalisme, il militera pour la protection des minorités — les Canadiens au sein du Commonwealth et les Canadiens-français hors Québec. Son indépendance d’idée, qu’il affirmera sans équivoque en refusant tout salaire de député, fera de lui le modèle politique de sa génération et de la suivante. Fort d’un héritage politique reconnu dans son Outaouais natal — Henri est le petit-fils du patriote Louis-Joseph Papineau — Bourassa est élu maire de Montebello, puis de Papineauville avant d’être porté à la Chambre des communes comme libéral sous Wilfrid Laurier. Il commence dès lors à contester la tendance impérialiste du cabinet, qui engage les Canadiens dans des guerres sans consultation populaire. Bourassa démissionne et devient député indépendant. Réélu à trois reprises et de retour sous la bannière libérale, le politicien multiplie les discours réclamant l’indépendance complète du Canada, et va même jusqu’à s’opposer à la participation du dominion à la Première Guerre mondiale. Pour diffuser ses idées, il fonde en 1910 le journal Le Devoir. L’affaire du Règlement 17 et la crise de la conscription, deux conflits qui oppressent sans équivoque les Canadiens-français, soulèvent particulièrement ses passions. En 1919, l’épouse de Bourassa décède des suites d’une longue maladie. Il commence à délaisser la politique, mais son influence est pourtant encore bien réelle. En effet, son projet d’autonomie canadienne face au parlement britannique devient réalité en 1931, lorsque le Canada devient indépendant. Puis, dans les années 1960, alors que Bourassa était mort depuis plus d’une dizaine d’années, l’idée d’un Canada biculturel se fraye un chemin jusqu’au parlement canadien, où elle est véhiculée par Pierre Elliott Trudeau. Ces valeurs d’inclusion de l’autre dans la nation canadienne et d’autonomie politique du pays sont toujours bien ancrées dans le Canada d’aujourd’hui.
Thérèse Casgrain
Feministe et réformatrice
De militante pour le droit des femmes à première chef élue d’un parti politique canadien, Thérèse Forget a modifié à jamais le paysage politique canadien. Elle voit le jour en 1896 à Montréal d’un père homme d’affaires et politicien, sir Rodolphe Forget, et de lady Blanche MacDonald. Elle se marie en 1916 à Pierre Casgrain, politicien qui deviendra Président de la Chambre des communes, puis Secrétaire d’État sous W.L. Mackenzie King. Après la Première Guerre mondiale, Thérèse Casgrain milite activement pour les droits de l’homme en siégeant à différents conseils fédéraux instituant des réformes sociales, en présidant la Ligue pour les droits des femmes et en fondant plusieurs associations agissant pour le bien-être de la société. Son principal combat, et sa plus grande réussite touche le droit de vote universel dont les femmes du Québec étaient alors privées. En 1940, plus de vingt ans après que le droit de vote pour tous ait été institué au fédéral, le premier ministre Adélard Godbout l’accorde aux Québécoises. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, Madame Casgrain est récompensée par l’Ordre de l’Empire pour ses services à la Commission des prix et du commerce, qui a réussi à limiter l’inflation de manière remarquable. À partir de 1942, elle se présente comme candidate libérale indépendante à l’élection partielle de la circonscription de Charlevoix-Saguenay, sans succès. À cette époque, très peu de femmes se présentaient aux élections, et seule une poignée d’entre elles atteignent la Chambre des communes. En 1951, elle est élue chef du Parti social-démocratique du Québec, devenant ainsi la première Canadienne élue à la tête d’un parti politique. Elle est ensuite nommée sénatrice par Pierre Elliott Trudeau. Jusqu’à son décès, en 1981, Mme Casgrain a milité pour les droits de l’homme. Elle laisse derrière elle un héritage d’avant-gardisme politique et de persévérance dans ses idées, menant à un Parlement et à un Sénat canadiens de plus en plus égalitaires.
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