Nazaire Dugas | Premier architecte acadien professionnel du Nouveau-Brunswick
Né à Caraquet, au Nouveau‑Brunswick, Nazaire Dugas (1864-1942) est le premier architecte acadien à vivre de sa profession. Il crée des plans pour de grands bâtiments de la région, ainsi que pour de nombreuses résidences privées et entreprises. Son savoir‑faire conceptuel, technique et pratique a exercé une grande influence sur le développement de toute la péninsule acadienne. Malgré cet exploit, son œuvre reste méconnue et son patrimoine bâti risque l’abandon ou la démolition.
Nazaire Dugas, 1864-1942 | Premier architecte acadien professionnel du Nouveau-Brunswick
La ville acadienne de Caraquet est reconnue pour sa magnifique vue sur la baie des Chaleurs. Cependant, en sillonnant le long boulevard qui la traverse, notre regard se pose aussi sur plusieurs bâtiments d’une beauté discrète. On y remarque d’anciennes résidences au revêtement de bois chaleureux et ornées de moulures travaillées. Un café achalandé dont l’élégante devanture laisse transparaître une histoire centenaire. Les vestiges d’un ancien couvent de pierre, dont la façade sert désormais de toile de fond à des manifestations culturelles en plein air. Ces édifices partagent une origine commune : celle de l’architecte qui a su inspirer les habitants de la péninsule Acadienne par sa quête de beauté, Nazaire Dugas.
De Caraquet à Montréal
Né à Caraquet le 26 juillet 1864, Nazaire Dugas est l’un des pionniers de l’architecture au Nouveau-Brunswick. Arrivé à Montréal au début des années 1880 pour retrouver deux de ses sœurs religieuses, il se familiarise avec le métier de menuisier dans l’atelier de l’oncle de sa première femme, connu sous le nom de « Itzweire et Sarrazin ». Nazaire demeure dans la métropole une vingtaine d’années au cours desquelles il étudie aussi l’architecture sous la direction de F. Bourgeault. Durant cette période, il dirige de nombreuses constructions dans la région de Montréal et travaille avec de grands architectes contemporains comme Joseph-Honoré MacDuff (1868-1918) et Louis-Roch Montbriand (1860-1923).
De Montréal à Caraquet
En 1896, bien qu’il réside toujours à Montréal, il conçoit déjà des maisons dans la péninsule acadienne et s’associe à son frère Henri pour acheter un moulin à scie et à bardeau à Caraquet. Les frères y ajoutent une minoterie, une ébénisterie, ainsi qu’une manufacture de portes, fenêtres et moulures pour créer la manufacture H. & N. Dugas, qui sera malheureusement la proie des flammes durant l’été 1946.
En 1902, Nazaire retourne à Caraquet, avec sa femme Rose Moreau et leurs deux enfants. Le couple aura en tout six enfants (Philibert, Oscar, Yvon, Édouard, Albert, Adrienne) avant que la tuberculose n’emporte Rose en 1910. Trois ans plus tard, Nazaire épouse Rose Haché en deuxième noce avec qui il aura une fille, Julienne.
Il vit à Caraquet le reste de ses jours et y demeure le véritable maître d’œuvre d’importantes constructions de plusieurs communautés régionales. En plus d’exercer ses talents d’architecte, il fournit matériaux et savoir-faire pratique par le biais de la manufacture H. & N. Dugas dans laquelle, paraît-il, il allait aussi travailler de ses mains.
Homme organisé et méticuleux, il tient un registre quasi quotidien de ce qui se passe dans sa communauté (naissance, visites, événements météorologiques, etc.). Il s’implique en politique et entretient d’excellentes relations avec le clergé local. Il participe d’ailleurs à un pèlerinage à Rome en 1925, où il tient une audience avec le pape Pie XI. Arborant une moustache caractéristique, il est aussi un personnage reconnu pour ses talents de conteur.
L’héritage architectural de Nazaire Dugas : son importance et sa fragilité
Le legs de Nazaire Dugas est capital pour le patrimoine architectural de plusieurs communautés du nord-est du Nouveau-Brunswick où de nombreux bâtiments emblématiques de l’identité collective tels que des églises, des collèges, des couvents, des écoles, des commerces et des hôtels sont le fruit de son labeur. Ses principales œuvres sont surtout réalisées durant la première décennie du XXe siècle. On pense ici, entre autres, à l’église de Bas-Caraquet (1904), aux agrandissements du Collège de Caraquet (1903 et 1907) et au couvent des Sœurs de la Congrégation Notre-Dame (1905). Architecte polyvalent, il établit aussi les plans et les devis de plusieurs presbytères, salles paroissiales ou résidences privées. Il conçoit également du mobilier et divers objets tels que des traineaux, des barils et divers équipements techniques.
Décédé en 1942, ses créations ont toujours été au centre de la vie communautaire locale en hébergeant une grande variété d’usages tel que magasin général, gîte, hôtel, lieu de culte et d’enseignement, centrale téléphonique, écomusée, café boulangerie, maison d’artistes, etc.
Toutefois, seule une dizaine de ses bâtiments connus existent encore aujourd’hui.
L’église de Bas-Caraquet, malheureusement, est la plus récente de ses réalisations à avoir été détruite, à la suite d’un incendie en 2018. Un projet de recherche-création de Nordais Collectif est en cours pour valoriser l’œuvre et les archives de ce personnage unique.
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