Agowigiiwinan Bezhig Minawaa Niizhin

La commémoration du 150e anniversaire des Traités nº 1 et 2 nous donne à tous l’occasion d’honorer la promesse sacrée de nos ancêtres de vivre en paix et de partager les richesses du territoire.

Écrit par Wabi Benais Mistatim Equay (Cynthia Bird)

Mis en ligne le 2 septembre 2021
Large replica of a coin with three colourful portraits in the centre.

En 2021, nous commémorons le 150e anniversaire de la rencontre entre les Premières Nations et les représentants de la Couronne, et la conclusion des Traités nº 1 et 2 – des ententes que nous appelons en langue ojibwe Agowigiiwinan Bezhig Minawaa Niizhin.

Certains événements commémoratifs se sont tenus localement dans des communautés autochtones cet été, et d’autres ont été organisés conjointement entre les représentants des partenaires de ces traités historiques.

Mais qui sont les représentants de ces partenaires? Ce sont les Premières Nations de ce territoire – mes ancêtres – et la Couronne, représentée par des officiels du gouvernement. Ce sont eux qui ont défini les Traités, présenté la vision de chacun de leur peuple et, guidés par cet esprit et cette intention, se sont engagés solennellement à vivre ensemble en paix et à partager les richesses de ce territoire. Nous sommes maintenant en 2021, cent cinquante ans plus tard. C’est le moment de réfléchir à ce legs et de faire le bilan de ce que nous avons accompli dans le cadre de cette vision et des liens qui nous unissent à titre de peuples des Traités.

Mon lien personnel avec le Traités nº 1, je le tiens de mon arrière-arrière-grand-père, William Asham, du côté paternel de ma grand-mère. C’était un jeune homme de 18 ans lorsqu’il a été témoin de la création du Traité nº 1 à Stone Fort (Lower Fort Garry, Manitoba). Je suis également membre de la Première Nation Peguis, une des signataires du Traité nº 1. Ce Traité est donc très près de moi. En tant que partenaire du Traité, je prends très au sérieux ma responsabilité d’observer le Traité et d’honorer la vision de nos chefs : conserver notre mode de vie et le lien avec nos terres. Depuis 1871, beaucoup d’événements ont contribué à déposséder les Premières Nations de leurs terres, de leurs langues et de leur mode de vie. Aujourd’hui, nous avons la chance de pouvoir réapprendre nos langues et de rétablir le lien avec notre mode de vie, grâce à ceux qui les ont protégés et qui se sont engagés à les enseigner aux autres. Kinanaskomitin. Miigwech. Merci à nos familles et parents.

« Aseptiser l’histoire n’est pas utile. Chercher la vérité est honorable et requiert une réflexion historique éthique et le respect de la relation de nation à nation. »

Le Traité nº 1 a été officialisé le 3 août 1871. Le Traité no 2, dix-huit jours plus tard, soit le 21 août. Mais pour bien comprendre les Traités, il faut se pencher sur toutes les discussions qui ont précédé cette année 1871, ainsi que sur les événements qui sont survenus jusqu’à aujourd’hui. Cela comprend la tradition orale, les paroles écrites, et les efforts déployés pour trouver la vérité. Les Traités concernent notre relation avec le territoire et l’esprit et l’intention d’origine des Traités, qui étaient de partager les ressources et le territoire afin que tous puissent bénéficier de ses richesses. Les Traités nous invitent à nous pencher sur ce qui s’est produit depuis que les partenaires historiques des Traités ont commencé leurs pourparlers et à réfléchir à notre responsabilité commune de les observer. Les Traités sont un outil de réconciliation et nous donnent de l’espoir pour l’avenir.

Map of Canada with red sections separated by black lines. The red sections are numbered. A green section with the numbers one and two is enlarged and features the names of places like Winnipeg.

Il importe également de réfléchir aux promesses faites hors des Traités nº 1 et 2 – les engagements pris par les négociateurs de la Couronne qui n’ont cependant jamais été inclus par écrit dans les documents relatifs aux Traités. Ces promesses hors Traités ont été plus tard reconnues en 1875, dans un mémoire annexé aux Traités nº 1 et 2; cependant, elles étaient ouvertes à interprétation et ne comprenaient pas tous les éléments qui, selon les Premières Nations, auraient dû en faire partie.

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Black and white illustration of settlers and Indigenous people gathered around under a tent and wearing traditional clothes.

Il y a deux histoires des Traités, ou trames narratives, qu’il importe maintenant de réconcilier. Il y a l’histoire racontée par les Premières Nations. Il y a aussi l’histoire écrite racontée dans des sources primaires, comme les documents des Traités, et les pétitions rédigées par les chefs des Premières Nations, ainsi que les journaux, les lettres et les articles écrits par les officiels canadiens et d’autres qui étaient présents lors des pourparlers. Aujourd’hui, nous incluons également des sources secondaires, comme les publications d’universitaires et de chercheurs qui nous aident à comprendre toute l’histoire des Traités nº 1 et 2. J’espère que cette nouvelle trame narrative nous aidera à nous rapprocher d’une version plus équilibrée de ce qui a réellement émané de ces pourparlers et à comprendre la concrétisation subséquente et le respect des promesses qui ont été faites. Aseptiser l’histoire n’est pas utile. Chercher la vérité est honorable et requiert une réflexion historique éthique et le respect de la relation de nation à nation.

La nécessité du Traité nº 1 découle de deux ensembles de circonstances très différentes. Vers le milieu des années 1800, les chefs des Premières Nations dans la région qui comprend aujourd’hui le Manitoba et la Saskatchewan étaient impatients de conclure un Traité avec les représentants des colons immigrant dans la région. Un traité antérieur, négocié entre les Premières Nations et l’actionnaire de la Compagnie de la Baie d’Hudson et compte d’Écosse, Lord Selkirk, allouait des terres le long des rivières Rouge et Assiniboine, aujourd’hui au Manitoba, à une communauté d’immigrants écossais. Le Traité Peguis-Selkirk de 1817 devait être conclu dès le retour de Lord Selkirk d’Angleterre, qui était chargé de payer un loyer aux signataires des Premières Nations. Cependant, Lord Selkirk meurt en 1820 et les loyers négociés dans le Traité ne seront jamais payés.

Three silver coins with different insignia.

Dans les années suivantes, la communauté grandissante de colons écossais de la rivière Rouge continue de s’emparer de terres qui n’ont pas été négociées dans le Traité. Cette situation incite les chefs des Premières Nations à s’adresser à la Couronne britannique pour compléter l’œuvre inachevée du Traité de 1817.

Vers 1870, les Premières Nations de l’Ouest sont de plus en plus inquiètes du mouvement de colonisation qui balaie le pays, apportant avec lui de nouvelles façons de penser, une nouvelle relation avec le territoire et sa faune, et de nouvelles façons de vivre. Le territoire est modifié pour faire place aux colons et pour favoriser le développement et une nouvelle économie.

Les arpenteurs divisent les terres pour les attribuer à des propriétaires. De nouveaux noms de lieux étrangers remplacent les noms d’origine. Des structures permanentes sont bâties et les nouveaux édifices du gouvernement prennent la place des anciens forts historiques et premiers postes de traite. Ces immenses changements ont des impacts exponentiels sur les façons de vivre des Premières Nations et leur relation avec le territoire et tout ce qu’il leur procure.

Il devient de plus en plus urgent pour les Premières Nations de conclure un Traité pour protéger leur mode de vie. Un tel traité devra décrire les liens qui relient les partenaires et la façon dont ils devront partager le territoire. La diplomatie autochtone dans le contexte des traités avait déjà porté fruit par le passé. Les chefs autochtones pensaient que cette façon de faire serait aussi efficace pour négocier les Traités nº 1 et 2.

Pendant ce temps, la Couronne britannique veut développer davantage le Dominion du Canada, créé en 1867. Craignant que les États-Unis ne tentent d’annexer la région qui comprend aujourd’hui les provinces des Prairies, les gouvernements britanniques et canadiens veulent accélérer l’établissement d’un lien entre le nouveau Dominion dans l’Est et la colonie de la Colombie-Britannique, sur la côte Ouest.

En mars 1869, la Compagnie de la Baie d’Hudson vend l’immense territoire du Nord-Ouest que l’on connaît sous le nom de Terre de Rupert. La vente, faite sans consulter les Premières Nations ou les peuples métis de la région, donne lieu au mouvement de résistance de la rivière Rouge guidée par le chef métis Louis Riel, et qui a mené à la création de la province du Manitoba en 1870.

Maintenant que le Dominion du Canada a accès à des millions d’hectares à l’Ouest pour stimuler sa colonisation et son développement, la nécessité des Traités devient évidente : il y a des enjeux à régler qui n’ont pas été adéquatement abordés dans le cadre de négociations avec les Premières Nations. Aucun traité ne couvre l’immense territoire de la Terre de Rupert et les Territoires du Nord-Ouest ni les millions d’hectares à l’Ouest arpentés par le gouvernement fédéral. La nécessité d’une réconciliation paraît évidente, puisque la façon dont ces terres ont été obtenues porte préjudice aux Premières Nations.

Les Traités nº 1 et 2 sont les premiers de onze Traités numérotés à la source de l’unique relation de nation à nation établie entre la Couronne et les peuples des Premières Nations occupant un vaste croissant de terre qui s’étend de la Baie James dans l’Est jusqu’aux Rocheuses dans l’Ouest, du 49e parallèle au Sud à l’océan Arctique au Nord.

Le Traité nº 1 concerne le territoire et les peuples d’une zone d’environ 18 000 km2 au sud et au sud-ouest du lac Winnipeg et du lac Manitoba.

Le Traité nº 2 couvre une région d’environ 87 000 km2 directement au nord et à l’ouest du territoire du Traité nº 1.

La tradition orale établit que les Traités devaient être une confirmation des alliances pacifiques établies, offrir aux deux parties l’assurance que les richesses des terres ancestrales des Premières Nations seraient partagées entre les deux parties et garantir le maintien du mode de vie des deux groupes visés.

Le préambule écrit des Traités nº 1 et 2 établit que le but des négociations était de « discuter de certains sujets d’intérêt pour la Couronne britannique et les peuples des Premières Nations. »

Il décrit [TRADUCTION] « la volonté de Sa Majesté, la reine Victoria, d’ouvrir une partie de ce pays à la colonisation et l’immigration, et d’obtenir le consentement de ses sujets autochtones habitant ledit territoire, mais également de conclure des traités et des ententes avec ces derniers afin d’instaurer un climat de paix et d’harmonie entre eux et Sa Majesté. »

Pour régler ces problèmes qui s’exacerbent avec le temps, plusieurs pétitions de chefs des Premières Nations sont envoyées à différentes entités, notamment la Aborigines Protection Society en Grande-Bretagne (1859), le journal Nor’Wester à Winnipeg (1869) et Adams Archibald, lieutenant-gouverneur du Manitoba (1870). Les chefs des Premières Nations demandent de toute urgence qu’un traité soit négocié pour régler le problème de l’empiétement des colons immigrants sur leurs territoires.

C’est dans ce contexte que les chefs des Premières Nations et les représentants de la Couronne conviennent de se réunir au Manitoba en juillet 1871 afin de conclure un Traité. Le Canada établit un décret pour nommer un commissaire chargé de négocier le Traité, nomme des représentants de la province du Manitoba et, par le truchement d’une proclamation royale, avise les Premières Nations que les pourparlers commenceront en juillet 1871. Une fois que toutes les parties acceptent de participer aux discussions, les Premières Nations et la Couronne commencent leurs préparations.

Le rassemblement de plus d’un millier d’Autochtones au Stone Fort de Lower Fort Garry fait sensation dans les médias. Ils viennent des terres ancestrales du sud, du sud-ouest et du sud-est pour être témoins des pourparlers. Le journal Manitoban, qui couvre les négociations entourant le Traité, fournit des détails qui ne font pas partie du texte du Traité ou de la correspondance gouvernementale entourant les pourparlers. Les articles quotidiens font la lumière sur ce que proposent les deux parties et sur la façon dont les parties parviennent à s’entendre. Par exemple, le dernier jour des discussions, le Manitoban relate que le chef Henry Prince, dont le père, un chef Peguis, avait pris part aux négociations du Traité Peguis-Selkirk, a prononcé les paroles suivantes : « La terre ne peut pas parler d’elle-même. Nous devons parler pour elle. » Ses mots expriment le lien spirituel qui unit les Premières Nations au territoire et aux responsabilités qui accompagnent cette relation, une relation que le Traité ne vient pas abolir.

Les pourparlers se terminent après huit jours, le 3 août. Le Traité nº 1 décrit les promesses solennelles faites par les deux partenaires historiques du Traité. En même temps, certains chefs présents au Stone Fort se réunissent afin de demander la conclusion d’un traité à proximité de leurs territoires. Cette demande donne lieu au Traité nº 2, qui est signé le 21 août au poste de traite de la CBH à Manitoba House, sur la rive ouest du lac Manitoba.

Dans son ouvrage, Breathing Life into the Stone Fort Treaty, l’avocate autochtone Aimée Craft explique que même pendant les négociations, les colons (représentés par les négociateurs de la Couronne) et les peuples des Premières Nations (représentés par leurs chefs) avaient des interprétations très différentes des Traités nº 1 et 2.

Aimée Craft explique que les Premières Nations ont interprété les Traités dans le contexte dans traités commerciaux conclus auparavant avec la Compagnie de la Baie d’Hudson, ainsi que des traités négociés entre les Premières Nations elles-mêmes.

Ces traités ne prévoyaient aucunement de céder des terres ou la souveraineté sur ces terres, mais visaient plutôt à définir la façon dont le territoire et ses ressources seraient partagés.

Ils reposaient souvent sur la filiation, par mariage et adoption, pour tisser des liens entre les nations.

En tentant d’interpréter les Traités, Aimée Craft souligne que les cérémonies, le symbolisme, les promesses verbales et les objets, comme le calumet de paix et les ceintures wampum, avaient le même poids pour les signataires des Premières Nations que les documents écrits pour les négociateurs de la Couronne.

Les Traités nº 1 et 2 décrivaient en des termes géographiques les terres ancestrales de chaque Première Nation signataire et créaient avec une certaine partie de ces territoires des « réserves indiennes » de 160 acres (64,7 hectares), ainsi allouées à chaque famille de cinq personnes.

Les paiements annuels devant être versés par la Couronne à chaque famille étaient calculés.

Lors des négociations, on promet également aux Premières Nations qu’elles pourront continuer d’exercer leurs pratiques traditionnelles, incluant la chasse et la pêche, sur leurs territoires ancestraux.

Tout au long des négociations, la Couronne fait référence à la reine Victoria comme la « Noble Mère » des peuples des Premières Nations, supposant ainsi des liens de filiation et un devoir de bienveillance.

Les gouvernements canadiens, qui n’ont compté que sur les documents écrits des Traités, ont compris que les Premières Nations « cédaient et abandonnaient » tous leurs territoires, à l’exception des réserves indiennes, à la Couronne.

Aimée Craft explique que les Premières Nations n’en faisaient pas du tout la même interprétation. Du point de vue des Premières Nations, les Traités sont des ententes de nation à nation établissant la façon de partager le territoire et ses richesses.

Un an après la conclusion des Traités, les chefs des Premières Nations commencent à soulever la question des promesses hors traités. Les signataires autochtones des Traités nº 1 et 2 se sont fait promettre des biens additionnels, des équipements de ferme et du bétail, qui devaient leur être fournis tous les ans.

Cependant, ce n’est qu’en 1875, lors des négociations entourant le Traité nº 5, que ces préoccupations sont véritablement abordées. D’autres questions demeurent en suspens et feront plus tard partie de ce que l’on appelle le processus des droits fonciers issus de traités – un recours pour les Premières Nations qui n’ont pas reçu toutes les terres auxquelles ils avaient droit en vertu des Traités conclus avec la Couronne. Ces discussions se poursuivent encore aujourd’hui.

Le chemin parcouru jusqu’en 2021 n’a pas toujours rendu honneur aux intentions et promesses originales des Traités. La version des colons immigrants a été racontée à maintes reprises et repose essentiellement sur les nombreux documents écrits. Ce n’est que tout récemment que la tradition orale a été reconnue comme valable et valide.

Cette version apporte un point de vue plus équilibré de l’histoire des Traités. Après de nombreuses années de conflits et de luttes, le processus d’établissement des Traités est maintenant revu à travers le prisme de la réconciliation. Cependant, les événements récents concernant la découverte de sépultures non identifiées d’enfants autochtones envoyés dans les pensionnats dressent de nouveaux obstacles sur la route vers la réconciliation.

Cette découverte est directement liée à l’interprétation unilatérale que fait la Couronne du droit à l’éducation des enfants, et qui est formulée comme suit dans le texte du Traité : [TRADUCTION] « Sa Majesté accepte d’établir une école dans chacune des réserves ainsi créées si les Indiens de la réserve le désirent. » Les impacts de la création du système des pensionnats continueront de se faire sentir tant et aussi longtemps que la dure réalité de l’expérience des pensionnats sera exposée et que les Canadiens seront confrontés à l’unique version de l’histoire qu’on leur a enseignée.

Avant la découverte des sépultures d’enfants dans les pensionnats de partout au pays, y compris au Manitoba, nous avons été témoins de plusieurs gestes de réconciliation sur le territoire du Traité nº 1, notamment le renouvellement récent de la façon dont les peuples autochtones sont représentés au Musée du Manitoba, ainsi que l’invitation des peuples autochtones à participer au partage et à la présentation de l’histoire des Traités au Manitoba, incluant une cérémonie traditionnelle consistant à partager un repas et à fumer le tabac.

Les événements commémorant les anniversaires des Traités nº 1 et 2 requièrent une planification souple cette année en raison de la pandémie de COVID-19. Certaines activités ont été organisées localement, dans les communautés des Premières Nations, et d’autres avec des représentants des partenaires historiques des Traités.

Le 3 août, des représentants de la Treaty Relations Commission of Manitoba et de la nation du Traité nº 1 (qui comprend les sept Premières Nations signataires du Traité no 1) se sont rassemblés avec des officiels du gouvernement canadien et du Manitoba au lieu historique national de Lower Fort Garry (également appelé Stone Fort).

L’événement a débuté par la cérémonie de la pipe et le son du tambour, suivis d’une cérémonie de levée du drapeau. Chaque drapeau est cependant laissé en berne en souvenir des enfants autochtones morts dans les pensionnats. Des cavaliers autochtones Oyaate Techa ont ensuite fait une ronde d’honneur.

« Nous célébrons non seulement le 150e anniversaire du Traité nº 1 en 1871, mais nous renouvelons et affirmons la relation issue du Traité qui est au cœur de la Confédération », précise le grand chef Arlen Dumas de l’Assemblée des chefs du Manitoba lors d’un discours prononcé pendant l’événement.

Dennis Meeches, le chef de la Première Nation de Long Plain, a mentionné à un journaliste de la CBC : [TRADUCTION] « Le Traité n’a pas toujours été bon ou généreux avec les Autochtones, contrairement à son intention première lorsque nos ancêtres l’ont signé. Ils croyaient qu’il donnerait lieu à un véritable partenariat, à une véritable souveraineté. Une nation souveraine dans un État souverain. Tout cela a été jeté par la fenêtre avant même que l’encre de nos signatures n’ait séchée. »

Loretta Ross, commissaire aux Traités pour la Treaty Relations Commission of Manitoba, a remis deux nouvelles médailles de Traités aux représentants de chaque Première Nation du Traité nº 1.

Diverses nations du Traité nº 2 ont organisé des événements commémoratifs, chacun soulignant la relation souveraine de nation à nation découlant du Traité nº 2.

Mais malgré toutes ces activités commémoratives, certaines questions demeurent : pourquoi le Traité nº 2 n’est-il pas souligné de la même façon que le Traité nº 1? Pourquoi Manitoba House n’est-elle pas devenue un site historique d’importance? Ce sont des questions légitimes. Cet article fournira peut-être un peu de contexte pour répondre à certaines des questions posées.

— Wabi Benais Mistatim Equay (Cynthia Bird)

Au Lieu historique national de La Fourche, au confluent des rivières Rouge et Assiniboine à Winnipeg, les visiteurs peuvent admirer des installations qui racontent les histoires traditionnelles des peuples et du territoire. Ces œuvres d’art, ainsi que la construction d’un pavillon traditionnel à Niizhozii-bean (point sud de La Fourche), sont des exemples de réconciliation et de reconnaissance du lien qu’entretiennent les Premières Nations avec cet endroit depuis la nuit des temps. Il s’agit d’un lieu de partage, d’enseignement, de célébration, de cérémonie et de guérison.

Les Premières Nations du Traité nº 2 favorisent également les gestes de réconciliation. Elles rendent accessibles les enseignements traditionnels, renouvellent les relations issues de Traités avec les résidents non autochtones des villes environnantes et aident les populations à mieux comprendre la question de la reconnaissance territoriale.

Ces exemples nous montrent que le dialogue est de plus en plus ouvert et que la trame narrative est plus équilibrée – surtout depuis que la société canadienne comprend l’importance d’un travail collaboratif et non unilatéral.

À travers le pays, les gouvernements et les Canadiens sont de plus en plus sensibles aux autres façons de penser et de faire. Ils reconnaissent et comprennent que les Premières Nations font partie du passé, du présent, et seront encore là dans l’avenir. Le respect de la relation de nation à nation et de l’uniformité des mots et des actions demeure un fondement essentiel du processus de renouvellement des relations issues des Traités.

Les traités restent et resteront pertinents dans le passé, le présent et l’avenir des Canadiens. Cent cinquante ans après le premier des Traités numérotés en 1871, les Premières Nations continuent de revendiquer leur souveraineté en célébrant la cérémonie de la pipe et en maintenant leurs langues, leurs coutumes et leurs traditions bien vivantes afin d’honorer l’esprit et l’intention d’origine des Traités. Les Premières Nations profitent de chaque occasion pour rétablir le lien avec leurs terres ancestrales, comme en font foi les processus des droits fonciers issus de traités qui visent à rectifier les attributions de territoire originales des Traités. Une fois ces gestes posés, d’importants débouchés économiques peuvent se présenter pour les nations des Traités, comme les chefs signataires des Traités de 1871 l’avaient anticipé. Par exemple, dans le contexte du Traité nº 1 de Winnipeg, les nations ont travaillé avec les gouvernements fédéral et locaux pour compléter le transfert du territoire qui a déjà accueilli les baraquements Kapyong des Forces armées canadiennes.

Le lien des Premières Nations avec ce territoire s’est formé bien avant l’arrivée des commerçants européens et des colons immigrants. Par le truchement d’un traité, le territoire a été intégré au Traité nº 1 et finalement absorbé par la ville de Winnipeg. Au fil du temps, il a porté plusieurs noms : Winnipeg, River Heights, terre de la Couronne, baraquements Kapyong. En 2019, il a finalement été rétrocédé aux Premières Nations. Il porte maintenant le nom de Naawi-Oodena, qui signifie « centre du cœur et de la communauté ». Les deux tiers du site de 68 hectares forment maintenant une réserve urbaine (également appelée zone économique des Premières Nations) et font l’objet d’un développement à des fins résidentielles, commerciales et récréatives guidé par la Treaty One Development Corporation. Les directeurs de cette corporation sont les chefs des sept Premières Nations signataires du Traité nº 1. Son avenir est prometteur.

Il reste encore beaucoup à faire pour concrétiser ce principe de réconciliation. Cette nouvelle avenue doit être ancrée dans le contexte de la colonisation et dans l’esprit et l’intention des Traités historiques qui ont contribué à bâtir ce pays. Ce voyage vers la réconciliation a le potentiel de devenir une aventure passionnante qui permettra à tous les Canadiens d’accepter de nouvelles façons d’être et de savoir. L’éducation publique de tous les Canadiens, ainsi que des dirigeants de tout le pays, demeure un véhicule fondamental pour alimenter ces conversations, discussions, négociations et délibérations.

Les événements commémorant le 150e anniversaire des Traités nº 1 et 2 nous offrent une occasion d’apprentissage. Après tout, nous avons tous bénéficié des Traités – qu’on le veuille ou non – et les générations futures en bénéficieront également. Nous sommes tous des peuples des Traités. Nous avons la responsabilité de comprendre ce que cela signifie et comment cela se traduit en responsabilité personnelle pour préserver l’esprit et l’intention d’origine des Traités.

Travaillons ensemble pour établir la relation respectueuse que nos ancêtres avaient envisagée lorsqu’ils se sont assis à la table des Traités et pour parler de la façon dont nous pouvons honorer notre relation à la terre et vivre en paix.

La commémoration des Traités nº 1 et 2 vise à réconcilier notre relation avec le territoire que nous occupons et tout ce qui s’y est déroulé depuis 1871. C’est l’occasion de faire preuve d’introspection pour voir quelle a été la nature de nos relations au cours des 150 dernières années et de nous poser la question suivante : Comment faire de ce pays un endroit meilleur pour nos enfants et petits-enfants, pour qu’ils soient libres d’être qui ils sont et vivent en paix?

Wabi Benais Mistatim Equay (Cynthia Bird) est une crie de la Première Nation Peguis au Manitoba, dans le territoire du Traité nº 1, qui conserve des liens avec sa famille d’adoption de Red Sucker Lake, au Manitoba. Elle est enseignante et consultante et possède près de 40 ans d’expérience concrète dans différents secteurs. Elle continue de participer à des initiatives qui font connaître les perspectives des Premières Nations et des Autochtones au sujet de notre histoire partagée et de nos réalités actuelles.

Cet article est paru à l’origine dans le numéro d’octobre-novembre 2021 du magazine Canada’s History.

Relié à Premières nations, Inuit et Métis