Un lieu d’aide à l’enseignement de l’histoire

Dans cet article, l’autrice Lise Pinkos présente quelques programmes et ressources clés créés par le Musée canadien pour les droits de la personne pour les enseignants et leurs élèves.

Écrit par Lise Pinkos

Mis en ligne le 27 février 2024

La salle de classe est un lieu de découverte. C’est là que, jeune, on explore qui on est et qui on veut être. C’est dans la salle de classe qu’on découvre la science, l’art et la littérature et qu’on envisage, peut-être pour la première fois, de faire de ses passions et de ses intérêts l’œuvre de sa vie.

Mais la salle de classe peut aussi être un lieu difficile. Les expériences scolaires des élèves ne sont pas seulement le produit d’une chose dans l’école, ou d’un moment ; c’est le produit de notre société tout entière.

Le personnel enseignant le sait mieux que quiconque, car il s’agit d’une réalité de tous les jours. Quand il y a des problèmes dans notre communauté, ils se manifestent dans la salle de classe à chaque fois. Lorsque le monde semble instable — comme pendant une pandémie, une guerre ou quand il y a de la violence dans nos communautés — le personnel enseignant répond aux questions et apporte son soutien partout où cela est possible. Ce qui se passe dans le monde se retrouve, inévitablement, dans la salle de classe.

Mais l’inverse est également vrai, ce qui offre aux pédagogues une occasion unique. Ce qui est transmis en classe est important. Créer un espace pour des conversations importantes sur les droits de la personne résonne en dehors de l’école et fournit aux élèves un cadre pour comprendre et traiter le monde qui les entoure.

Le monde de l’éducation — qu’il soit enseignant, auxiliaire, de direction ou d’administration — joue un rôle fondamental dans la mise en place de salles de classe où les élèves bénéficient de soutien et de moyens d’action, souvent dans le contexte de ce qui se passe dans leur vie et dans celle de leur communauté. C’est un travail difficile qui ne peut se faire en solitaire. Les pédagogues, qui construisent ces espaces et facilitent les conversations importantes, ont besoin de soutien et d’outils pour se sentir équipés.

C’est sur ce soutien que le Musée canadien pour les droits de la personne (MCDP) axe son travail en s’efforçant de favoriser la compréhension, de promouvoir le respect et d’encourager la réflexion. Nous travaillons avec les pédagogues pour leur fournir des outils et des ressources clés afin de leur permettre de faire participer leurs élèves dans l’éducation aux droits de la personne.

Le Musée

Ouvert en 2014, le MCDP est le premier musée au monde à se consacrer exclusivement à la célébration et à la promotion des droits de la personne. Nous nous appuyons sur notre capacité à raconter des histoires. Si nous abordons des sujets importants et des moments sombres dans nos galeries, nous le faisons par le truchement d’histoires personnelles.

Nous partageons les récits de personnes championnes des droits de la personne qui ont lutté pour l’égalité des droits et la dignité universelle, qui ont eu le courage de croire en un avenir que d’autres jugeaient impossible.

Des personnes comme Malala Yousafzai, qui a failli perdre la vie à l’âge de 15 ans lorsqu’elle a été blessée par balle par un taliban parce qu’elle croyait passionnément que les jeunes femmes et les filles ont le droit de recevoir une éducation comme les garçons. Elle a survécu et a continué à s’exprimer, inspirant les personnes et les nations du monde entier à renouveler leur engagement en faveur des droits des jeunes.

Ou comme Travis Price, qui a vu un de ses camarades de classe de 9e année se faire intimider parce qu’il portait un chandail rose. Le lendemain, Travis a décidé de porter un « t-shirt » rose par solidarité et a apporté des vêtements roses pour que d’autres fassent de même, déclenchant ainsi un mouvement contre l’intimidation appelé la Journée du chandail rose.

Le fait d’entendre ces histoires et d’établir des liens personnels avec ces personnes peut aider à faire comprendre l’impact des violations et des victoires sur la voie menant à l’amélioration des droits de la personne pour tout le monde. Bien que ces personnes puissent vivre dans un autre pays, pratiquer une autre religion ou affronter d’autres défis, leurs histoires nous poussent à mieux comprendre.

En partageant ces histoires personnelles, nos programmes éducatifs, tout comme nos galeries, commencent par les bases. Ils posent la question « Que sont les droits de la personne ? » et aident ensuite les élèves et les membres du public à formuler leurs propres réponses à cette question.

Nos programmes

Nous offrons une variété de programmes scolaires basés sur les programmes d’étude enseignés dans les écoles de la maternelle à la 12e année, sur place au Musée ou virtuellement pour votre classe. Et grâce aux généreuses subventions de la Fondation Asper et de Larry & Judy Tanenbaum & famille, tous nos programmes scolaires sont actuellement gratuits pour les élèves du Canada.

Vous pouvez emmener votre classe en excursion virtuelle. Vous pourrez découvrir les galeries et l’architecture du Musée et explorer les droits de la personne avec nos guides du Musée. Les excursions scolaires virtuelles sont offertes quotidiennement (du mardi au vendredi) d’octobre à juin. Pour vous renseigner et pour trouver un moment où votre classe pourra participer à nos programmes, visitez notre page droitsdelapersonne.ca/education.

Nos programmes sont conçus pour être accessibles et inclusifs pour les élèves de tous les âges ayant divers besoins. D’une durée d’une à deux heures, ils permettent aux élèves d’explorer et de discuter des questions relatives aux droits de la personne par le biais d’activités et d’apprentissages pratiques.

Nos programmes visent à donner aux élèves les connaissances et les compétences nécessaires pour comprendre comment les droits de la personne les touchent, eux et le monde qui les entoure. Au moyen d’histoires, d’activités interactives et de discussions adaptées à leur âge, l’examen des principes de droits de la personne amène les élèves à réfléchir à la façon d’utiliser leurs connaissances pour faire avancer les droits de la personne.

L’un de nos programmes les plus percutants est la Couverture des témoins. Inspirée d’une courtepointe, la Couverture des témoins est une œuvre d’art à grande échelle créée par l’artiste autochtone Carey Newman. Elle contient des centaines d’objets récupérés auprès de pensionnats, d’églises, de bâtiments gouvernementaux et de structures traditionnelles et culturelles partout au Canada.

Une version numérique, qui se trouve à Couverture des témoins: Un héritage à préserver | MCDP (droitsdelapersonne.ca), présente tous les objets et les histoires que porte la Couverture des témoins. Ils sont accompagnés des voix des survivantes qui parlent de leur expérience, du fait d’avoir été envoyées de force dans les pensionnats. Leurs récits généreux et perspicaces traduisent la réalité du racisme, du colonialisme et du génocide à l’endroit des Autochtones. Ils révèlent les séquelles qu’a laissées le système des pensionnats du Canada.

Plus de 130 pensionnats ont été exploités partout au Canada. Ces écoles visaient délibérément à détruire les communautés et les modes de vie des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Le système faisait partie d’un processus plus vaste de colonisation et de génocide.

Les effets des pensionnats sont toujours présents. On peut les observer dans les communautés, les relations, les attitudes et les comportements autochtones et non autochtones. En vous portant témoin de ces histoires, vous transportez leur vérité vers un avenir qui accepte la responsabilité des injustices du passé.

Chaque objet donné à la Couverture des témoins raconte une histoire. Un à un, ils nous racontent des expériences vécues à diverses époques et en divers lieux. Ensemble, ils nous racontent la vaste histoire des pensionnats qui ont existé dans tout le pays pendant plus de cent ans.

La version numérique de la Couverture des témoins est accompagnée d’un guide pédagogique, qui a été élaboré avec des enseignantes de tout le Canada comme cadre pour l’enseignement du sujet des pensionnats à l’aide de la Couverture des témoins. Il comprend des leçons, des activités et des approches adaptées à l’âge des élèves, conçues pour aider les élèves et les enseignantes à développer leur empathie en se faisant les témoins des histoires et en franchissant les prochaines étapes de leur propre parcours de réconciliation.

Développer l’empathie, la compassion et l’action

Apprendre au sujet des pensionnats et des expériences des survivantes est essentiel pour rééquilibrer la façon dont nous enseignons le Canada. C’est une façon de redonner leur dignité humaine aux survivantes et d’introduire l’histoire des Autochtones en classe, en particulier les histoires des personnes autochtones autour de l’Île de la Tortue après l’avènement de la Confédération canadienne. En faisant face aux vérités des survivantes, les élèves peuvent mieux comprendre le génocide perpétré par le Canada contre les peuples autochtones. Les jeunes peuvent également commencer à remettre en question les systèmes en place qui rendent plus difficile l’épanouissement des peuples autochtones.

La version numérique de la Couverture des témoins et tous les autres programmes que nous proposons sont liés par le résultat qu’ils visent. Nous ne voulons pas seulement que les élèves s’informent sur une question. Nous ne nous contentons pas non plus d’amener les élèves à s’informer sur un sujet et à modifier leur comportement personnel.

Nous voulons que les élèves fassent ces deux choses et comprennent également comment appliquer les connaissances acquises à leur développement personnel pour changer les choses dans leur communauté.

Les histoires peuvent nous aider à passer de l’ignorance à la prise de conscience, voire à l’empathie, mais le plus long chemin est de passer de l’empathie à la compassion et à l’action.

Cette expérience transformatrice, qui a été modélisée par la courbe d’Inzovu (image 1), est marquée par deux états mentaux différents, l’empathie et la compassion, qui sont étroitement liés.

La courbe d’Inzovu, un modèle développé pour le Centre commémoratif du génocide de Kigali lors de la phase de synthèse du défi UX for Good 2014, trace la transition psychologique individuelle de l’empathie à la compassion, en les situant comme les deux côtés d’un continuum allant de la participation émotionnelle profonde à la compassion proactive. La première étape, l’empathie, est la capacité à entrer en résonance avec une autre personne et à ressentir ses émotions. Nous entendons son histoire et voyons l’humanité commune — nous ressentons quelque chose, nous avons une révélation. À partir de ce sentiment d’empathie, pour s’engager vers l’action de compassion, on passe de la réflexion à l’espoir, et on est motivé par la volonté. Dans un sens, les histoires préparent le terrain pour que la réflexion puisse se transformer en quelque chose de positif, tandis que l’espoir donne des exemples à suivre et montre comment d’autres ont agi de manière positive.

Un cheminement incomplet dans la courbe laisse les élèves avec de l’empathie, mais sans l’espoir ou les outils qui leur permettraient de se sentir capables de contribuer à un changement.

Notre théorie concernant l’impact des programmes éducatifs sur les élèves est basée sur ce type d’apprentissage transformationnel, où nous pouvons travailler avec les enseignantes avant, pendant et après leur expérience pour façonner les perspectives des élèves et leur donner les moyens de tracer leur propre voie pour changer les choses.

Pour ce faire, nous structurons notre programme autour de trois maximes clés : nous offrons une éducation au sujet des droits de la personne, par les droits de la personne et pour les droits de la personne.

Ce type d’apprentissage est parfaitement illustré dans notre programme Passez à l’action. Il s’agit d’un programme scolaire basé sur un projet et d’une série de ressources fiables qui guide les élèves dans l’apprentissage de ce que signifie passer à l’action et être un défenseur — quelqu’un qui reconnait l’injustice, comprend ses forces, puis s’en sert pour créer un véritable changement dans sa communauté.

La ressource s’adresse aux élèves de niveau intermédiaire et les incite à se poser des questions au sujet des droits de la personne et à agir pour les défendre. Les élèves examinent ce qui caractérise les personnes qui passent à l’action en posant des gestes concrets pour défendre les droits de la personne et suivent leur exemple. À la fin du projet, les élèves auront eu l’occasion d’explorer un sujet qui les touche particulièrement, d’en parler aux autres et de les guider vers l’action.

Le site Web Passez à l’action est une expérience numérique conçue pour appuyer l’apprentissage des élèves dans le cadre d’une unité d’apprentissage plus large de type projet portant sur le thème des droits de la personne. Les élèves qui élaborent des projets s’engagent dans une introspection et des actions personnelles sur des questions relatives aux droits de la personne qui leur tiennent à cœur. Les élèves apprennent à connaitre les traits de caractère des défenseurs des droits de la personne, à se familiariser avec la Déclaration universelle des droits de l’homme et à examiner leurs forces personnelles. Suivant l’exemple des défenseurs, les élèves doivent prendre des mesures concrètes pour devenir à leur tour des personnes qui passent à l’action.

Oui, nous voulons bien que les élèves connaissent les faits et les chiffres. Nous voulons leur donner une base dans les structures juridiques et sociales qui façonnent le paysage des droits de la personne. Les élèves doivent connaitre l’histoire des droits au Canada, les Nations Unies et le rôle du gouvernement et de la loi dans leur vie. Toutefois, il faut aussi les sensibiliser au processus par lequel nous pouvons bâtir une culture des droits de la personne.

Nos programmes donnent aux enseignantes les moyens d’instaurer en classe une culture fondée sur les droits de la personne. Nous avons créé des guides pédagogiques personnalisés pour des programmes tels Passez à l’action et la version numérique de la Couverture des témoins, qui contiennent des stratégies et des leçons concrètes pouvant contribuer à la mise en place d’une culture de classe fondée sur le respect mutuel. Nous voulons que les élèves ressentent ce que c’est que de voir ses idées respectées et d’être traités avec dignité.

Enfin, nous voulons que nos programmes éducatifs soient pour les droits de la personne. Ce n’est pas un hasard si nous ne sommes pas le « Musée canadien des droits de la personne ». Nous nous appelons le Musée canadien pour les droits de la personne parce que nous sommes là pour promouvoir l’idée que les droits de la personne sont importants.

Dans tout ce que nous faisons — programmes éducatifs, expositions, évènements publics, et plus encore — nous croyons que la responsabilité de réaliser une communauté où tout le monde est soutenu et habilité par les droits de la personne appartient fondamentalement à chacun d’entre nous. Ainsi, lorsque nous parlons d’éducation pour les droits de la personne, c’est l’impact que nous voulons avoir. C’est la barre que nous nous sommes fixée.

Ces dernières années, il est devenu évident que notre progression vers un monde où les droits et la dignité sont de mieux en mieux protégés n’est pas linéaire. Cela nous place fermement dans un contexte où la compréhension, l’éducation et la lutte pour les droits de la personne sont plus importantes que jamais.

Et comme pédagogues, vous le savez, vous le voyez tous les jours — et vos élèves aussi.

Les scènes de guerre et de crise humanitaire en Ukraine envahissent constamment les médias. Il y a aussi les manifestations explosives en Iran et le soutien mondial aux femmes musulmanes qui subissent une répression autoritaire brutale de leur droit de choisir, ainsi que notre propre histoire de colonisation et de génocide, ici au Canada, alors que les communautés autochtones continuent de découvrir les atrocités, de faire leur deuil et de subir les dommages persistants causés par le système des pensionnats.

C’est pourquoi l’éducation aux droits de la personne est si importante. Le temps et l’énergie que les pédagogues consacrent à l’établissement de relations, à l’élaboration de politiques et à la création d’espaces sécuritaires leur donnent l’occasion unique de faire ce travail.

Au-delà de ses tâches déjà difficiles, le personnel enseignant a le mandat d’aider à former la prochaine génération d’élèves à devenir plus compatissante et empathique — et nous voulons aider en ce sens.

Le Musée canadien pour les droits de la personne existe pour travailler avec vous, en vous fournissant des programmes, des ressources et des guides pédagogiques qui vous aideront à réaliser ce travail. Grâce à nos programmes à thèmes variés, nous nous efforçons d’équiper les pédagogues et de donner aux élèves les outils nécessaires pour penser de manière critique et avec empathie.

Ces programmes ne se limitent pas aux écoles de Winnipeg. Emmenez votre classe en excursion virtuelle où vous pourrez découvrir les galeries et l’architecture du Musée et explorer les droits de la personne avec nos guides du Musée. Les excursions scolaires virtuelles sont offertes quotidiennement (du mardi au vendredi) d’octobre à juin. Pour vous renseigner et pour trouver un moment où votre classe pourra participer à nos programmes, visitez notre page Web, Muséecanadienpourlesdroitsdelapersonne/éducation.

Lise Pinkos est directrice des programmes au Musée canadien pour les droits de la personne (MCDP).

Cet article est apparu à l'origine dans la revue Enjeux de l’univers social, volume 18, numéro 2, printemps 2023, p. 14-17. La revue est publiée par l’Association québécoise pour l’enseignement en univers social (AQEUS).

L’association québécoise pour l’enseignement en univers social est une association qui regroupe au sein du même regroupement autant ceux qui enseignent en univers social (primaire), qu’en histoire, en géographie, en monde contemporain et en éducation financière (secondaire). Elle regroupe autant des enseignants que des conseillers pédagogiques, des enseignants du collégial, des didacticiens universitaires, des retraités et des étudiants universitaires. Elle répond ainsi au vœu d’un grand nombre d’enseignants de retrouver sous la même enseigne les disciplines et les programmes de l’univers social.


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